Je viens de me positionner totalement à rebours de la majorité sur l’affaire Duhamel (janvier 2020), refusant de participer à une curée pilotée par une clique de néoféministes poussant un agenda que je ne connais que trop.
Le livre de Camille Kouchner, La familia grande, instrumentalise en effet la vie intime de son frère jumeau – quand celui-ci a toujours demandé à ce qu’on le laisse avancer dans sa vie sans le ramener sans cesse à cette affaire et sans l’enfermer dans un statut de victime à vie dont il n’a que faire (lire « Peggy Sastre – Affaire Duhamel : au bout du malaise » (Le Point, 08/01/2021). Il n’a, de plus, jamais souhaité s’exprimer publiquement sur les faits et il maintiendra probablement cette position. Camille Kouchner elle-même reconnait dans son livre, et laisse filtrer en interview, que son frère ne souhaitait pas rendre l’affaire publique. D’emblée, il y a donc ici pour moi une forme de viol de l’intimité qu’aucune forme de croisade ne devrait justifier. Je le dis d’autant plus sereinement que je sais très bien que la résilience existe et que l’ON PEUT se remettre d’un viol (je ne dis pas « toujours », je dis « PARFOIS », merci de ne pas déformer mes propos).
Car l’objectif est ici, avec l’appui de Muriel Salmona, l’inventrice de la « mémoire traumatique » (une imposture scientifique, cf. Julie Brafman, « L’amnésie traumatique, concept «séduisant» mais controversé », Libération, 20/12/17), d’obtenir à terme l’imprescriptibilité de toutes les affaires de sexe. Autrement dit, de mettre en place le régime juridique de la « République Morale du Féministan », une république féministe où la chasse aux sorcières (enfin, aux hommes) et la justice immanente des réseaux sociaux et des médias mainstream tiendraient lieu de justice tout court ; le tout au nom d’une morale anti-sexe de chaisières d’église. Nous avons déjà un pied dans cette République :
Entendons-nous bien : dans le cas présent, l’agression sexuelle, voire le viol sont, selon toute vraisemblance, avérés (aucune décision de justice n’ayant à ce jour été prononcée, et respectant la présomption d’innocence, je ne m’avancerai pas plus sur ce sujet). Mais quand bien même l’homme serait-il coupable, cela ne justifierait en rien le lynchage public auquel il a droit. La justice n’est pas la vengeance ; la justice n’est pas le pilori médiatique, la justice n’est pas le lynchage sans possibilité de se défendre – d’autant que certains protagonistes, telles les soeurs Pisier, ne sont plus là pour empêcher qu’on parle à leur place : cette mise à mort sociale par une foule chauffée à blanc n’est pas digne d’une civilisation avancée.
La vengeance. C’est bien ce qui se dégage de cette entreprise éditoriale conduite par Camille Kouchner, épaulée par Ariane Chemin du Monde et par L’Obs, dont le vice-président, Louis Dreyfus, est le mari de Camille Kouchner, – avec, donc, en arrière-plan comme mentionné plus haut, Muriel Salmona. Tou(te)s incarnent ce néo-féminisme vindicatif et vengeur qui ne recule devant aucun procédé, même le plus vil, pour faire avancer « la Cause » – et purger au passage leurs vieilles rancoeurs (ici, Camille Kouchner ne supportait tout simplement pas que Duhamel soit dans la lumière et pas elle, comme elle l’a elle-même reconnu).
Au-delà de ses ruminations contre Duhamel (bien plus importantes que celles de son frère, semble-t-il), Camille Kouchner règle aussi dans ce livre ses comptes avec sa mère avec laquelle elle a un énorme contentieux, et elle en profite pour lancer ses boules puantes sur tout le milieu au sein duquel elle a grandi – sorte de crise d’adolescence tardive mais tout à fait caractéristique de ces néoféministes qui ont toujours beaucoup de mal à quitter l’enfance. Pauvre petite fille riche, cela a dû être si dur de passer ses vacances à Sanary-sur-Mer avec le gratin de la gauche, ou de rejoindre son people de père avec Christine Ockrent qui, mais quelle horreur, était parfois distante le soir… Plutôt que de s’en prendre à C. Ockrent, peut-être devrait-elle plutôt questionner l’éclatement de la cellule familiale voulue par le féminisme, avec les relations habituellement conflictuelles avec les beaux-parents que cela engendre (on sait même que les crimes commis sur les enfants sont le fait des beaux-pères à une proportion écrasante par rapport aux pères biologiques; voir « L’effet Cendrillon »). Camille et son frère sont justement bien placés pour le savoir… mais ce serait moins politiquement correct de regarder ces choses en face, n’est-ce pas.
Je n’ai pas non plus voulu suivre dans ce lynchage les contempteurs de Mai 68 qui, comme les QAnon, ont tendance à voir des pédophiles partout et à faire de la lutte contre une pédophilie fantasmée leur cri de ralliement [comme l’explique Tristan Mendès-France, le combat contre la supposée pédocriminalité des élites est l’hameçon qui a permis aux complotistes de QAnon de se développer rapidement en France]. D’autant qu’ici, la pédophilie est rien moins qu’avérée (la victime avait 14-15 ans et n’était plus un enfant : il s’agit en réalité d’éphébophilie). Même la notion d’inceste reste contestable d’un point de vue anthropologique, malgré les récents changements de la loi. « Détournement de mineur par adulte ayant autorité » devrait donc suffire. Mais on conviendra que c’est moins racoleur que « inceste » ou « pédophilie » sur les réseaux sociaux et cela, les médias l’ont bien compris.
J’ajoute, sans vouloir pour cela défendre les hypocrisies et les inconséquences de Mai 68, que même si une poignée d’illuminés ont imprudemment défendu la pédophilie dans les années 70, ils n’ont en aucune manière provoqué une vague de pédophilie dans ce pays. La réprobation a été immédiate et générale et a au contraire amené une intransigeance encore plus grande envers ces comportements déviants. La pédophilie est un trouble pathologique du comportement qui n’a ni couleur politique ni couleur sociologique et qui est malheureusement un invariant de l’espèce humaine sous toutes les latitudes. Même les formidables bonobos cités en exemple par le féministe Pascal Picq… sont pédophiles, c’est dire !
Trois générations de féministes amères
Parmi le flot d’articles souvent crapoteux publiés par la presse people, où Gala, Closer, Voici, Public, etc. ont rivalisé d’obscénité, allant jusqu’à accuser Olivier Duhamel d’être responsable de la mort de Marie-France Pisier (j’espère qu’il les attaquera en diffamation, de même que Camille Kouchner pour ses insinuations comme quoi il serait également responsable de la mort de sa mère Evelyne), j’ai été interpellée par cet article de Gala :
« Qui est Paula Caucanas, la mère d’Évelyne Pisier, qui s’est suicidée ? »
Paula Caucanas, la grand-mère, était donc une féministe de la première heure. Gala glorifie Camille de parler d’elle en ces termes : « Lorsqu’elle me racontait ma grand-mère, ma mère soulignait ses idéaux. » En quittant son mari à la fin des années 1950, cette femme, Paula Caucanas de son vrai nom, a fait « exploser les conventions bourgeoises ». Résolument libre et peu soucieuse du qu’en-dira-t-on, elle ne semblait pas non plus avoir de tabou avec sa fille Évelyne, à qui elle a raconté très tôt « comment avoir un orgasme à cheval ou à vélo » alors que celle-ci était « à peine pubère. » (…) À ses filles, elle a aussi appris la liberté sexuelle. Très jeunes, Évelyne et Marie-France Pisier ont fait preuve « d’une arrogance sexuelle stupéfiante », a rappelé Camille Kouchner dans son ouvrage. On y apprend en effet qu’Évelyne incitait sa fille à la précocité sexuelle en lui disant qu’elle-même avait fait l’amour à 12 ans, ou qu’elle invitait une amie à « déniaiser » son fils adolescent.
Évelyne, très proche de sa mère, a construit à son tour toute sa vie et toute sa carrière sur le féminisme militant et un comportement de vamp (pourquoi pas…). Mais « Paula Caucanas a mis fin à ses jours alors qu’elle n’avait que 64 ans, deux ans après le suicide du père de ses filles par arme à feu, à l’âge de 75 ans. « Ils avaient toujours dit qu’ils ne voulaient pas vieillir. J’arrive à cet âge. Mais je ne comprends toujours pas », avait confié Évelyne Pisier à Libération en 2005. »
En se suicidant, Paula plonge sa fille Évelyne dans les affres de l’alcool et d’une « dépression abyssale », un gouffre dont elle ne remontera jamais. Malheureuse et à côté de sa vie, elle n’apprendra que 20 ans après les faits ce qui est arrivé à son fils. Vouée aux gémonies par sa fille Camille et par les foules écoeurées qui viennent cracher sur sa tombe, elle paie aujourd’hui très cher sa réaction (pourtant explicable d’un point de vue psychologique) de minimisation des faits.
Deux générations de femmes brisées, donc, dont la jeunesse flamboyante s’achève dans la noirceur et même la fange pour Évelyne. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi personne ne semble voir la part du féminisme dans leurs destins tragiques ? Aujourd’hui, en 2021, le néoféminisme victimaire aigri et puritain de Camille demande des comptes au féminisme laxiste en matière de moeurs de sa mère. Un féminisme qui n’était pourtant pas dénué de qualités, car Évelyne Pisier avait su ne jamais sombrer dans la pleurnicherie victimaire – avec Élisabeth Badinter, elle s’était même opposée à la parité, cette manière sexiste de préférer les femmes sur le critère de leurs ovaires en lieu et place de leur matière grise. Mais reprenons l’enchainement des faits.
Dans les années 1960, Évelyne et Marie-France Pisier sont biberonnées au féminisme tout puissant et soi-disant libérateur de leur mère. Celle-ci, à la limite de l’abus psychique (mais les féministes militantes ne s’encombrent pas avec ce genre de détails) explique à ses filles comment se masturber alors qu’elles sont « à peine pubères » (probablement un euphémisme, elles devaient être plus jeunes). Eh bien moi, si à 11 ou 12 ans, ma mère avait fait ça, je l’aurais maudite ! Je l’aurais vécu comme un viol de mon intimité ! Mais Camille ne voit pas le problème ; mieux même, elle semble trouver cela admirable. Ces féministes n’ont décidément plus beaucoup de repères. On notera au passage que dans les années 1950, c’était donc déjà le règne du clitoris tout puissant (comme quoi les néofems et autres #tasjoui ne savent que réinventer l’eau tiède).
On notera aussi une forme de narcissisme et d’immaturité dans les mots rapportés de Paula, refusant de vieillir et choisissant, par son suicide mis en scène de manière sordide, d’abandonner sa fille : « En 1988, lorsqu’à son tour leur mère, sidérant tout le monde, se suicide sans raison apparente à 66 ans et s’arrange, avec un égoïsme inouï, pour que ses trois enfants découvrent eux-mêmes son corps abîmé, c’est une déflagration pour le clan Pisier » (« Splendeurs et misères des soeurs Pisier », Le Point, 12/01/21). La descente aux enfers d’Évelyne est clairement précipitée par le double suicide de ses parents, principalement celui de sa mère puisque, tout comme sa soeur Marie-France, elle avait vécu dans la haine totale de son père, refusant de le voir et même d’aller à ses funérailles.
Paula avait souffert d’un double cancer du sein suivi d’une ablation mammaire, terrible diagnostic qui a pu influencer sa décision – ce qui peut s’entendre. Je dois ajouter une chose terrible, mais malheureusement exacte, au sujet du cancer du sein : l’allaitement prolongé protège de ce cancer. Or le féminisme d’après-guerre a lutté âprement contre l’allaitement maternel, supposé réduire les femmes au statut de vaches laitières et préférant les renvoyer bien vite à l’usine. J’ose donc dire que ce féminisme a du sang sur les mains. Pour Paula, ses filles étant nées dans les années 40, j’ignore si elles les a allaitées, je suppose que oui, donc ceci ne la concernerait pas a priori.
Évelyne est une jeune femme belle et brillante à qui le monde déroule un tapis rouge, accumulant les succès masculins et personnels et menant avec sa soeur une vie de jet-setteuse dans les hautes sphères de la gauche féministo-révolutionnaire (option caviar). Les photos de sa relation avec Fidel Castro témoignent de son succès international.
Camille K. dépeint ensuite une mère de famille moins reluisante, décrivant un univers familial glauque et malsain et ce, bien avant l’arrivée d’Olivier Duhamel dans leurs vies. Évelyne a certainement beaucoup souffert de l’échec de son mariage avec Bernard Kouchner. Mais à aucun moment, Camille ne semble questionner l’idéologie féministe de sa mère, ni comprendre la manière dont son féminisme a pu influencer son comportement, de la jeune femme arrogante et toute puissante à la mauvaise mère. Il y a pourtant des choses qui moi, me sautent aux yeux. Ce n’est pas seulement de sa mère, mais du féminisme de la seconde vague, dont il aurait fallu faire le procès, puisque la première n’est que l’expression du second. Sans l’éducation méprisante de Paula – et de tout le féminisme – envers le rôle maternel, peut-être Évelyne se serait-elle comportée différemment avec ses enfants.
Je relève aussi le côté typiquement « féministe » d’Évelyne : « Castro sonnait Évelyne quand il voulait, raille un vieux camarade de Marie-France. À Paris, elle emmerdait tout le monde en donnant des leçons de féminisme, mais à Cuba, elle était vraiment le prototype de la femme soumise. » Évelyne s’est ensuite couchée devant Olivier Duhamel, son despote domestique préféré. Ses amis ont été surpris, mais pas moi, car toutes les féministes sont comme ça, hier comme aujourd’hui, crachant sur leurs pères et les hommes normaux, mais faisant la queue pour se faire détruire par des « pervers narcissiques » et autres prédateurs à peine masqués (lire Féministes et pervers narcissiques : les liaisons dangereuses). L’emprise, on pleure après, mais sur le coup, qu’est-ce que c’est excitant (eh oui)…
Quoiqu’il en soit, les curseurs de la morale sexuelle s’étant déplacés et rigidifiés – aujourd’hui un film comme Beau-Père de Bertrand Blier, sorti en 1984 et qui raconte le désir amoureux et sexuel d’une fille de 14 ans (14 ANS !) envers son beau-père joué par Patrick Dewaere (34 ans à l’époque) provoquerait un scandale national, ou plus exactement ne pourrait même plus être tourné et son réalisateur se verrait jeté en pâture sur #MeToo –, on mesure face à quel âge de glace on se trouve désormais. Je ne suis pas en train de dire que l’histoire de La Famila grande ait quoi que ce soit à voir avec celle de Beau-Père, puisque le frère ici n’était pas consentant. Je dis juste que pour les besoins de « la Cause », on fait feu de tout bois, prenant à témoin les foules qui ne demandent que ça, sans se soucier de l’exactitude des faits allégués – rappelons qu’on parle ici d’un « roman autofictionnel » et non d’un témoignage sous serment, et que la justice ne s’est pas prononcée. De plus, on peut se demander comment, dans un milieu d’intellectuels où tout le monde savait trouver les mots, un adolescent de 15 ans – qui n’était pas visiblement pas le dernier des abrutis, au vu de son futur parcours de vie – ait été incapable d’envoyer paître son beau-père. Il y a des choses qui restent à clarifier car elles sont à la limite de la crédibilité.
Les dénonciations, vraies ou fausses, mais invérifiables, de « viols » à 30 ou 40 ans de distance faisant sans doute moins recette – après Haenel, Springora, les affaires Polanski, etc., la formule est devenue un peu éventée –, on s’est peut-être dit qu’avec « inceste » et « pédophilie » dans le plan de com’, ça claquerait plus fort et que le succès éditorial serait garanti.
Je suis frappée en tout cas par cette propension des bien-pensants à brûler furieusement ce qu’ils adoraient jusqu’à peu. Hier encore icône du féminisme libérateur, Évelyne Pisier incarne du jour au lendemain, « grâce » à sa fille, l’abomination faite femme. Eh bien, toute antiféministe que je suis, j’ai de la peine pour elle. Je pense qu’elle ne méritait ni de représenter une libération qui n’en a pas été une pour elle, ni son contraire. Je considère qu’elle a tout simplement vécu une vie de féministe du XXe siècle, écartelée par des injonctions contradictoires qui ne pouvaient que la faire chuter. Ainsi va le féminisme… et paix à son âme.
[à suivre…]
- Voir aussi :
. Une recension de La Familia Grande par Aristide Renou qui pointe lui aussi l’idéologie féministe d’Évelyne et sa désastreuse influence sur son comportement :
https://aristidebis.blogspot.com/2021/07/la-familia-grande-le-feminisme-en-action.html
. Comme elle l’a montré lors de son passage dans l’émission « La Grande Librairie » (13/01/20), Camille Kouchner fait malheureusement partie de ces néoféministes en croisade qui défendent la pseudo « mémoire traumatique » de Muriel Salmona et dénient à toute victime la possibilité de se remettre un jour d’un viol. Je prends le contrepied exact de ces salades manipulatrices dans ce témoignage :
- Sur l’imposture Muriel Salmona, grande manipulatrice victimaire devant l’Éternel :
. Peggy Sastre, « Muriel Salmona: la psy qui traumatise » (Causeur, 10/03/21). La promotrice de la notion d’amnésie traumatique est une femme dangereuse.
. Erwan Seznec, « Les liaisons dangereuses de Muriel Salmona » (Causeur, 20/03/21). Enquête sur une psy aussi médiatique que dangereuse.
. « N’enfermons pas l’enfant victime d’inceste dans son traumatisme ! Relevons le défi de mieux l’entendre, le protéger, l’accompagner » (Le Monde, 24/03/21)
. « Inceste: une tribune publiée dans Le Monde dénonce à son tour le « message délétère » de Muriel Salmona », (Causeur, 25/03/21)
. Voir aussi : Démystifier les mythes à propos de la « mémoire traumatique » (Brigitte Axelrad).
. Les féministes médiatiques et éditoriales ont toujours raffolé des histoires de « viôôôl », parce que c’est tellement vendeur… ne l’oublions pas.
. Évelyne Pisier était une maîtresse-femme, une féministe influente au caractère trempé qui a fait valser les hommes autour d’elle une bonne partie de sa vie. Elle s’est pourtant inclinée devant des personnalités masculines autoritaires telles Fidel Castro ou Olivier Duhamel. Pourquoi ? =>