[Obscurantisme féministe] – Odile Fillod et le refus de la biologie

Comme on m’avait vivement recommandé la série de podcasts Meta de Choc, je viens d’aller en écouter quelques-uns. Effectivement, j’ai trouvé la démarche intéressante et le contenu de qualité, avec un véritable travail de documentation se voulant le plus sincère et le plus honnête possibles. La série sur le New Age en particulier est tout à fait enrichissante et soulève nombre de points parfaitement en phase avec l’actualité du temps.

Ayant amorcé de mon côté une réflexion critique sur l’éco-féminisme (dernier avatar du New Age), j’ai donc écouté attentivement les deux podcasts sur « l’éco-spiritualité » et les deux autres sur « le féminin sacré », pensant y trouver quelques éléments de convergence afin d’étayer, entre autres, mon article sur « Les féministes et la religion ». Las ! Malgré un exposé très bien fait sur les fondements historiques et intellectuels de « l’éco-spiritualité » et du « féminin sacré », j’ai été quelque peu étonnée de n’y trouver aucune mention (et encore moins de critique) de l’éco-féminisme – alors même que cette idéologie en est actuellement la manifestation la plus criante.

Dans « le féminin sacré », j’ai également tiqué sur quelques points. À propos des sorcières notamment, il y a des erreurs historiques assez gênantes : Élisabeth Feytit affirme que les bûchers de sorcières sont l’œuvre de l’Église catholique, qu’ils remontent au XIIe siècle et qu’ils avaient pour but de lutter contre le protestantisme – toutes choses factuellement fausses. Je renvoie sur ces points à mon article sur les sorcières (et pour les plus versés sur le sujet, aux auteurs universitaires sur lesquels je m’appuie). Je me contenterai de rappeler brièvement ici que :

  • Les « bûchers de sorcières » sont une caractéristique de l’Europe du Nord protestante, essentiellement des campagnes et principalement du tournant du XVIIe siècle ;
  • Que l’Eglise catholique n’y est pour rien, puisque la grande majorité des bûchers sont l’œuvre de tribunaux laïcs dans des sociétés protestantes  ;
  • Qu’avant les XIVe- XVe siècles, et surtout le tournant des XVIe et XVIIe siècles, l’Europe (et plus encore l’Europe catholique) a brûlé très peu de monde et autant, voire davantage, d’hommes que de femmes. La mythologie sur les sorcières, inspirée par le falsificateur Jules Michelet, puis reprise aveuglément par les féministes, n’est qu’une réécriture de l’histoire à des fins de militantisme.

Pour autant, ces points d’histoire (un peu spécialisée, je le concède) ne sont pas pour moi le plus gênant dans ces derniers podcasts. J’ai bien davantage tiqué sur le positionnement féministe mainstream qui s’y épanche, notamment quand E. Feytit renvoie à son autre série sur « Mars et Vénus » en lançant quelques assertions idéologiques du genre qui m’ont tout de suite mis la puce à l’oreille. L’écoute de la série en question (4 podcasts d’une heure chacun) n’a fait que confirmer mes pires craintes : le néo-féminisme et l’idéologie du genre les plus caricaturaux s’y étalent effectivement sans le moindre esprit critique. J’ai donc décidé de consacrer mon billet au contenu de cette dernière série.

Odile Fillod, les hommes, les femmes, Mars et Vénus

Les quatre chapitres d’une heure chacun sont donc un échange à bâtons rompus avec son amie Odile Fillod – Élisabeth Feytit, qui la tutoie, glousse quasiment à chacune de ses allégations. L’interview, qui tient surtout de l’échange entre copines féministes qui refont le monde à leur sauce, n’a pas grand-chose à envier à une soirée-conférence des pires heures d’Osez le féminisme. Pas franchement de quoi m’emballer moi, et c’est peu de le dire.

D’emblée, OF est présentée comme étant absolument objective en tous points, alors que… c’est une militante féministe de compétition ! Et même une féministe militante avant toute autre chose. Donc je veux bien qu’on fasse de la métacognition ou que sais-je ou qu’on s’emploie à débusquer les biais de ceci ou de cela chez les autres, mais ne pas voir à ce point un biais de cette taille, c’est quand même un peu gênant… « Festucam in oculo fratris tui et trabem in oculo tuo non vides », comme qui dirait (Mt, 7, 3).

J’ai tout écouté et je vais donc reprendre quelques points de ces quatre chapitres, dans leur ordre d’apparition.

  • Chapitre 1

Le chapitre 1 s’ouvre sur un ouin ouin typiquement féministe de fausse victime (« Ouin ouin, mon père ingénieur a favorisé mon frère et pas moi, cétropinjuste ») pour finalement reconnaître qu’elle a elle-même fait des études d’ingénieur… Les discriminations sur les « rôles sexués » et les « normes de genre » n’ont pas dû être trop sévères quand même… (yeux au ciel). Mais en bonne féministe anti-patriarcale, il lui fallait bien charger gratuitement la « domination » paternelle en guise de hors-d’œuvre. Elle explique plus loin qu’elle n’a pas terminé sa thèse en sociologie – ce qu’on ne lui reprochera pas, mais qui pose quand même question quand elle entreprend, en toute modestie, de réfuter sur le fond quantité de neuro-biologistes et de spécialistes du cerveau.

11-12’ : elle qualifie sans perdre de temps la psychologie évolutionniste de « fantaisiste », ce qui la pose d’emblée comme une idéologue plutôt que comme une scientifique. On comprend également qu’elle n’a pas de compétences biologiques du niveau de celles qu’elle va attaquer et qu’elle risque donc de ne produire que du discours et pas des faits. Sa seule marotte, tout au long des quatre heures d’interview, ne sera qu’un refus obstiné de reconnaître la moindre différence de comportement entre les sexes pouvant avoir une origine biologique (20’) et de dénoncer les « croyances » des autres sans jamais voir les siennes (26’).

28’-29’: OF développe longuement sa propre réfutation sur le fond d’une étude scientifique qui aurait omis de prendre en compte la différence de volume des cerveaux masculin et féminin. [NB. Cette réfutation est elle-même réfutée par le neuro-endocrinologue Jacques Balthazart qui explique dans cet entretien que même après correction du volume du cerveau des hommes, on retrouve des différences et que de toutes façons, à la naissance, la taille du cerveau est la même chez les deux sexes – alors que les différences sont bien là (11’)].

Elle glose ensuite sur l’inexistence de la « théorie du genre », oubliant de préciser que si cette « théorie » n’existe effectivement pas, l’idéologie du genre, elle, existe bien et qu’elle-même en est un des meilleurs parangons ! (35’). À ce titre, elle s’emploie alors à nier obstinément toute influence possible des hormones sur la psychologie et le comportement humains (46’), allant jusqu’à prétendre que les gens comme elle, qui rapportent tout aux constructions sociales, n’existent pas (47’). Elle reconnait cependant, juste après, que les chercheurs en sciences sociales sont incompétents en biologie et ne peuvent faire que de la description. C’est ensuite au tour des résultats scientifiques d’être révoqués pour cause de manque de fiabilité, alors qu’elle n’est elle-même que sociologue. Bref.

  • Chapitre 2

Le chapitre 2 voit réitérer la charge contre les très nombreuses études scientifiques qui depuis plusieurs décennies maintenant mettent en relief le rôle du pic de testostérone prénatale sur la masculinisation du cerveau et sur son rôle dans les futurs comportements de l’individu de sexe masculin. Elle évoque les « niveaux de preuves » en sciences et réfute les résultats des chercheurs au prétexte qu’il n’est, matériellement et éthiquement, pas possible de conduire des études randomisées en double aveugle sur le cerveau (on ne va pas par exemple tuer des jeunes garçons pour observer l’évolution de leur cerveau à tous les âges de la vie). Mais tout le monde sait cela et fait avec, elle ergote ici dans le vide (10’).

Elle prétend ensuite qu’on ne peut pas extrapoler à l’espèce humaine les résultats des études biologiques sur les animaux (11’). Je vois d’ici les spécialistes bondir en entendant cela. Surtout quand on se souvient que des féministes militants comme Françoise Héritier ou Pascal Picq, dans le même camp idéologique qu’elle, ne se gênent pas pour prendre en exemple les modèles animaux quand il s’agit de cracher de toutes leurs forces sur l’homme de sexe masculin. Elle-même ne se prive pas non plus de le faire quand ça l’arrange. Ici en tout cas, elle rejette en bloc les études sur la physiologie des autres mammifères, mettant sur le même plan les vaches ou les insectes et refusant toute forme de comparaison avec l’homme, y compris en matière de recherche biomédicale (12’). Il y a clairement là un manque de nuance qui pose question (15’)

18’ : elle dit ensuite que si la testostérone prénatale induit bien des différences structurelles observables, cérébrales puis comportementales, que ce mécanisme biologique est démontré, que tout l’organisme est baigné par les hormones sexuelles (qui circulent dans le sang), que dans le cerveau de l’embryon, par le processus dit « d’aromatisation », la testostérone se transforme en œstradiol et que c’est cet œstradiol qui va ensuite masculiniser les structures cérébrales, cela ne se produirait cependant pas chez l’humain (21’) ! (J. Balthazart explique le contraire, voir plus bas)

À partir de cas extrêmes et rarissimes d’hommes dont la physiologie à l’âge adulte est insensible aux androgènes mais qui, malgré un corps d’apparence féminisée, restent hétérosexuels, elle va conclure que la testostérone n’a pas d’influence sur les comportements masculins (23’). La démonstration n’est pas franchement convaincante (elle est même incompréhensible) : le pic de testostérone prénatal ayant pu se faire de manière incomplète (il y a une infinité de variations) ; je ne vois pas pourquoi elle tire ces conclusions.

Elle s’en prend ensuite de nouveau aux tenants de la psychologie évolutionniste (27’) qu’elle traite de simples compilateurs (32’), critiquant leur cherry-picking, leurs a priori (33’), leurs « points de vue » et leurs biais (36’), sans évidemment jamais voir les siens propres.

Tout à son obsession anti-biologique sur les origines des différences comportementales, elle s’en prend ensuite aux neuro-sciences (38’) et particulièrement à la thèse de Simon Baron-Cohen sur les différences innées (42’), thèse passionnante que je relaie moi-même régulièrement (par exemple ici ). Selon elle, cette étude « ne respecterait pas les protocoles standards » et ses auteurs auraient « tripoté les statistiques » car la collaboratrice de Baron-Cohen ayant conduit une partie de l’étude connaissait au préalable le sexe des bébés qu’elle testait – ce qui invaliderait de fait toutes ses conclusions ! Cela me semble tout de même assez léger pour rejeter l’intégralité des résultats de cette étude dont les observations sont loin d’être aussi fragiles qu’elle le prétend. Elle réclame une réplication de cette étude, et sur ce point, je la suis (cela mettrait au moins un terme à ce genre de polémique stérile).

J’ajoute que nombre d’observations dans d’autres études (sur la propension des garçons à être forts au échecs, sur la prévalence de l’autisme masculin ou sur les choix d’orientations professionnelles, etc.) confortent évidemment les conclusions de Baron-Cohen. Elle finit quand même par reconnaître du bout des lèvres, poussée par E. Feytit, qu’il s’agit d’hypothèses qui en valent d’autres et qu’il n’y a pas de raisons de ne pas les évoquer (52’).

  • Chapitre 3

Le chapitre 3 consacre ses 20 premières minutes à la fixation néo-féministe sur les jouets genrés. Sur cette question, je renvoie à cet article de Peggy Sastre qui renvoie dans les filets ces obsessions sans fondement :

OF revient longuement sur une étude sur les singes vervets, souvent citée mais qui ne semble pas très convaincante – ce qui est bien possible, mais il ne s’agit que d’une étude parmi d’autres. Comme le rappelle par ailleurs Jaques Balthazart (voir plus bas), les filles ayant reçu trop de testostérone pendant leur vie embryonnaire choisissent spontanément des jouets de garçons – signe que certains comportements semblent bien influencés par des données biologiques.

A 14’, elle affirme que les garçons n’auraient pas plus besoin que les filles de se dépenser physiquement… Ce qui n’est pas du tout la conclusion que j’ai pu tirer par exemple en regardant l’autre jour ce reportage du JT de 20 heures sur une école de cascadeurs : on n’y voyait que des garçons hyperactifs, hyper physiques et quasiment pas de filles… On se demande bien pourquoi… Quelles normes sociales conservatrices interdisent donc aux filles de fantasmer sur le métier de cascadeuses ?

19’-24’ : elle dénonce la théorie de l’ocytocine « hormone de l’amour » : l’ocytocine n’aurait en réalité comme seule fonction que de contracter les muscles afin de permettre l’accouchement puis l’allaitement et n’aurait aucun effet psychotrope quant à l’attachement mère-enfant ou l’instinct maternel – à rebours de ce que l’on entend partout.

Je conteste d’emblée cette absence de lien : si l’action directe de l’ocytocine en tant que telle n’est pas prouvée (admettons), on sait que l’allaitement en lui-même génère l’attachement au bébé et partant, l’instinct maternel, ocytocine ou pas. Dans la mesure ou l’ocyto est derrière l’allaitement, elle est donc, ne serait-ce qu’indirectement, derrière l’attachement. À 28’ cependant, elle reconnaît que l’action de l’ocytocine, jouant surtout sur l’allaitement, favoriserait bien l’attachement à son petit chez la brebis. Je n’ai aucun doute en ce qui me concerne que l’allaitement lui-même, induit par l’ocytocine, a le même effet dans l’espèce humaine – puisque nous sommes aussi des mammifères. Je relève en tout cas son combat d’arrière-garde de féministe radicale contre « l’instinct maternel » – et donc contre la maternité –, notions taboues devant être éradiquées ; la croisade anti-maternelle des féministes aigries des années 70 étant malheureusement plus que jamais d’actualité.

Un peu plus loin, on a droit au couplet, rebattu lui aussi chez les néofem, contre la complémentarité entre les sexes (37′), puis de nouveau (43’), le rejet ridicule et obsessionnel de toute différence entre les sexes. Rien que de très conformiste au sein de la secte :

Gneu gneu gneu

(citation tirée de cette interview)

Suit (44’), une attaque en règle contre le biologiste Jacques Balthazart, sur laquelle je reviendrai un peu plus bas car celle-ci a donné lieu à des échanges musclés de part et d’autre. OF conteste de nouveau le phénomène de masculinisation du cerveau par les hormones prénatales et affirme que les différences de cerveau observables concerneraient exclusivement la physiologie de la reproduction (à travers notamment les gonades). Elle dénonce encore une fois les biais des autres, toujours aveugle aux siens propres (sur les réponses de J. Balthazart à ces affirmations, cf. infra).

54’ : Elle rejette « l’hypothèse de la testostérone » pour expliquer l’agressivité masculine et cite à l’appui une étude sur les trans Ftm (femmes devenues hommes) que la testostérone injectée ne rendrait pas plus agressives (ce sont des femmes à la naissance) – oubliant de rappeler que la testostérone à l’âge adulte ne peut déployer ses effets que sur des corps préalablement sexués par la testo prénatale ! (ce qu’explique Jacques Balthazart, cf. infra). De plus, elle se garde bien évidemment de vérifier si cette étude qui va dans son sens n’aurait pas par hasard quelques biais méthodologiques…

  • Chapitre 4 

OF se plaint tout au long du chapitre 4 des biais et de la binarité des autres, comme si elle-même y était étrangère. 25’ : Elle ressort l’habituelle critique néofem de la psychanalyse, vouée aux gémonies car elle a le malheur de reconnaître la différence des sexes (rien ne nous sera décidément épargné du bréviaire néofem : tout le petit livre rouge nous est déroulé à grand renfort « d’essentialisme », de « naturalisation », etc.). 27’ : Elle semble également rejeter (sans oser le dire ouvertement, car elle s’est déjà fait taper sur les doigts pour ça, voir plus bas) l’idée que l’homosexualité puisse être naturelle et avoir des bases biologiques.

29’ : Elle pense que les gens qui ne pensent pas comme elle et reconnaissent la différence des sexes sont des angoissés cherchant à tout prix à se rassurer. Or il me semble que c’est plutôt l’inverse : qu’est-ce que la complémentarité des sexes, le dimorphisme ou les différences de comportement ont donc de si insupportable à tolérer pour les idéologues du genre comme elle ? Sur quels tabous, blocages ou névroses personnelles tout cela appuie-t-il si douloureusement ? Leur propre incapacité à vivre et expérimenter cette complémentarité, peut-être ?

L’histoire donnera raison à la biologie

OF est bien obligée de reconnaître à la fin de l’entretien qu’il existe réellement de « petites différences moyennes » de comportement entre H et F induites par le substrat biologique  – comme par exemple la capacité, supérieure chez les hommes, à faire tourner mentalement un objet en 3D (35’). Cette supériorité masculine en matière de spatialisation est évidemment bien connue (moi par exemple, malgré des capacités verbales très développées, je ne distingue toujours pas ma droite de ma gauche et ai toujours des problèmes de latéralisation et d’orientation – ma fille a les mêmes caractéristiques, alors qu’aucun des hommes de ma maisonnée).

Elle reconnait également l’impact des mécanismes biologiques et de la différence des sexes sur les retards mentaux (36’). Ainsi, grâce à leurs deux chromosomes X, les filles sont protégées des anomalies génétiques situées sur un des X, alors que celles-ci vont s’exprimer chez les garçons qui n’ont pas de second X pour compenser le segment défectueux. Mais dans ce cas, elle refuse de prendre en compte ces cas extrêmes ou particuliers alors qu’elle les prenait comme références plus haut (les hommes féminisés ou les ftm) pour tirer ses propres théories.

La fin de l’interview, à propos des « instrumentalisations conservatrices » de la différence des sexes, est l’occasion de démontrer, pour qui ne l’aurait pas encore compris, qu’elles sont surtout des féministes de gauche – et en avant les vieilles lunes féministes sur les femmes qui n’auraient pas envie de s’arrêter de travailler pour s’occuper de leur enfant (un mensonge, voir [Désespoir et solitude] – Le féminisme en échec), le jargon féministe : « renforcer les normes sociales », « les rôles assignés à leur sexe », « stigmatisant », « comportements genrés », « étendards de masculinité », et gna gna gna… (42’-43’).

Conclusion

Aucun « inconfort » ni « incertitude » pour ma part à l’écoute de cette série, comme annoncé à l’ouverture du chapitre 3, juste de l’agacement devant tant de répétitions  ! Je ne connais que trop l’argumentaire néofem usé jusqu’à la corde et ce n’est pas cette récitation servile qui va m’ébranler.

On retiendra surtout qu’OF n’a jamais produit de recherche par elle-même afin de démontrer scientifiquement que la sexuation du psychisme n’a pas la moindre base biologique ; ce qui ne l’empêche pas de mener des croisades acharnées contre les chercheurs les plus sérieux qui ne vont pas dans le sens de son idéologie. Comme l’écrivait un chercheur : « Pourquoi ne publie-t-elle pas ses critiques dans des revues spécialisées en biologie ? ».

Comme elle le reconnaît elle-même en conclusion, ce n’est qu’une question de temps, parce que les recherches sur le cerveau vivant ne sont par définition pas faciles à mener (si ce n’est parfois impossibles), mais il ne fait aucun doute qu’avec le développement des techniques de pointe d’investigation, elle sera infailliblement contredite par la science – que ce soit dans un avenir proche ou un peu plus lointain. Il est donc plus que dommage en 2021 de perdre encore son temps et son énergie à vouloir à tout prix défendre les marottes moisies du Gender Feminism.

Certains lui font d’ailleurs remarquer très pertinemment dans les comms qu’elle ne parle pas de l’influence des hormones féminines sur l’humeur de femmes pendant les règles ou, plus grave, des problèmes que posent aujourd’hui les hommes trans (Mtf) : sont-ils égaux physiquement aux femmes ? (et j’ajouterais : dans le sport féminin, par exemple ?).

Dans ses réponses, elle admet ne pas bien connaître le sujet de l’influences des hormones du cycle ovarien sur le comportement féminin (lol) ; quant aux trans, elle évacue totalement le problème, se contentant de dire « qu’il existe très clairement des différences moyennes naturelles entre les personnes 46,XX et les personnes 46,XY, et pas seulement au niveau de l’anatomie génitale : des différences physiologiques, la différence de stature, etc. », ce qui est tout de même un peu court !

=> Sur le sujet des trans et du biologique, voir [Échec et mat] – Les féministes et le coup d’après

Un dernier commentaire me fait rire, celui de ce papa de jumeaux garçon-fille qui, malgré son éducation féministe non genrée et égalitariste, constate que son fils et sa fille adoptent en grandissant des comportements radicalement différents. Mais au lieu de se dire que Mme Fillod raconte peut-être un peu n’importe quoi, il préfère dévotement battre sa coulpe : « Après écoute, je suppose que j’ai dû grandement sous-estimer la part de non-verbal et d’involontaire dans la transmission des normes sociales par le comportement de mon épouse et de moi-même. Et c’est là mon plus grand chamboulement, mon attitude et ma façon d’être contribuent probablement à diffuser des normes sociales avec lesquelles je ne suis pas totalement en accord. C’est shocking ! », agneu gneu gneu (mais lol !).

Odile Fillod, militante féministe radicale

Féministe adepte d’Odile Fillod

Odile Fillod ne se cache pas d’être une militante féministe qui veut avant toutes choses propager sa « bonne parole féministe » comme elle le dit elle-même, et qui pour cela n’hésite pas à « se faire » des chercheurs ou des contradicteurs avec des méthodes dont on pourrait discuter un instant. Ainsi, comme l’écrit ici Peggy Sastre, elle n’hésite pas, « via appels et courriers aux rédactions et autre lobbying auprès d’éditeurs d’ouvrages collectifs ou d’organisateurs de conférences et tables rondes, etc. à user de lobbying » pour censurer des chercheurs et des journalistes scientifiques (ce dont PS a fait les frais).

Le neuro-endocrinologue belge Jacques Balthazart, qui a lui aussi fait les frais des violentes attaques d’Odile Fillod, s’est fendu à son tour d’un statut Facebook (où il dénonce « la malhonnêteté intellectuelle absolument affligeante » dont celle-ci fait preuve dans son blog) ainsi que d’une défense argumentée co-signée par plusieurs chercheurs que l’on peut lire intégralement ici.

On y apprend que sur son blog, Odile Fillod réfute la thèse défendue par Balthazart et le consensus scientifique selon laquelle « l’orientation sexuelle et donc l’homosexualité n’est pas un choix mais est largement déterminée par divers facteurs biologiques (hormonaux, génétiques, épigénétiques, immunologiques, …) agissant essentiellement pendant la période pré ou périnatale ». Elle s’en prend aussi violemment au livre de Jacques Balthazart, Biologie de l’Homosexualité : On nait, on ne devient pas homosexuel, 2010, ce qui pousse L’Express et Paris Match, qui ont répercuté les propos de Fillod, à réclamer à ce dernier cette réponse.

Dans celle-ci, il redonne un exemple de dimophisme concluant, celui « du noyau sexuellement dimorphique de l’aire préoptique (INAH3 pour les spécialistes) qui est de taille féminine chez les hommes homosexuels. (…) La petite taille du noyau de l’aire préoptique des homosexuels hommes est un des nombreux indices qui suggèrent que EN MOYENNE les hommes homosexuels ont été exposés à une action de la testostérone ou de son métabolite l’œstradiol qui était atypique pour leur sexe. De nombreuses autres données relatives à d‘autres caractéristiques morphologiques, physiologiques ou comportementales suggèrent qu’il en est de même pour les lesbiennes. »

Ceci va dans le sens de l’étude que je répercutais ici :

J. Balthazart rappelle « qu’il existe en France un courant idéologique qui remet en cause l’idée d’un contrôle biologique de l’orientation sexuelle en ergotant sur le détail des données disponibles qui soutiennent cette théorie générale. Aucune de ces critiques n’invalide une théorie spécialement si on ne propose pas de théorie alternative. L’article de L’Express reprenant les propos d’Odile Fillod affirme même que ‘personne n’aurait pour l’instant trouvé de cause à l’homosexualité’. Je considère qu’il s’agit là d’obscurantisme à un moment où se sont accumulées des centaines d’études convergentes indiquant un contrôle assez large par des facteurs biologiques essentiellement prénataux ».

Et comme il l’ajoute ensuite : « Le déterminisme biologique est cependant considéré comme un fait acquis par la plupart des chercheurs. On peut d’ailleurs mal imaginer comment l’évolution aurait pu laisser le contrôle d’une caractéristique aussi fondamentale pour la reproduction à un mécanisme moins déterministe qui dépendrait de l’éducation ou des interactions avec les congénères.
De façon plus générale, ce n’est pas parce que des points particuliers doivent être nuancés ou ont une portée limitée qu’une théorie générale s’effondre. La théorie biologique de l’homosexualité n’est pas à ce stade très formalisée et ne le sera peut être jamais vu des difficultés pratiques et éthiques à étudier le problème. Elle indique simplement que l’orientation sexuelle (homo ou hétéro) est influencée de façon importante par les hormones prénatales (testostérone ou son métabolite œstradiol), par des gènes non identifiés à ce stade (mais approximativement localisés sur les chromosomes pour certains d’entre eux) et par des influences épigénétiques incluant le fait de naître d’une mère qui a déjà conçu d’autres garçons.
Aucun de ces facteurs n’explique tout à lui seul mais leur convergence soutient l’idée qu’il existe un contrôle biologique de l’orientation sexuelle. Aucune théorie alternative plausible n’a jamais été proposée mises à part les affabulations post-freudiennes sur le complexe d’Œdipe qui sont clairement en conflit avec les données factuelles disponibles. »

« Les écrits d’Odile Fillod participent d’un courant idéologique particulièrement développé en France qui tend systématiquement à nier, occulter ou déconstruire toute étude qui mettrait en évidence un facteur biologique impliqué dans le contrôle de comportements humains. (…) En conclusion, il existe à ce stade un faisceau de données convergentes qui indiquent que l’homosexualité n’est pas un choix (ce que beaucoup semblent prêts à admettre en France) mais qu’en plus elle est largement influencée voire déterminée par des facteurs biologiques prénataux (ce qui semble en heurter beaucoup).
(…) En défendant ce particularisme français, Odile Fillod et d’autres 1) propagent un obscurantisme scientifique inapproprié, 2) empêchent de faciliter l’intégration des homosexuels dans nos sociétés et 3) isolent la France intellectuellement du reste du monde où la théorie défendue ici ne suscite guère de controverse. »

La tribune est signée de véritables spécialistes :
Jacques Balthazart, Docteur en Biologie, Professeur Emérite, Université de Liège
Nicolas Gauvrit, Chercheur en Psychologie Cognitive, Agrégé de Mathématiques
Claudine Junien, Professeur Emérite de Génétique, Membre de l’Académie de Médecine
Matthieu Keller, Directeur de Recherches CNRS
Magali Lavielle­-Guida, Docteur en Psychologie
Michel Raymond, Directeur de Recherches au CNRS
Franck Ramus, Directeur de Recherches au CNRS
Peggy Sastre, Docteur en Philosophie des Sciences, auteur et journaliste

Quand le cerveau devient masculin

On peut enfin écouter une interview récente (22/12/20) de Jacques Balthazart sur Europe 1, à l’occasion de la sortie de son dernier livre, Quand le cerveau devient masculin (Humenscience, 2019 ) où il revient sur ces différents arguments :

https://www.europe1.fr/emissions/sans-rendez-vous/quand-le-cerveau-devient-masculin-4014161

On relèvera les précautions oratoires incroyables pour annoncer le sujet de l’émission, preuve s’il en est de la terrible pression idéologique qu’exerce le féminisme mainstream en France ; ce qui ne manque toujours pas de surprendre J. Balthazart, lequel souligne cette confusion que font les néofem (car il s’agit bien d’elles) entre « égal » et « identique » et qu’il rapporte à une forme « d’intelligentsia de gauche anti-déterministe » (que l’on ne connaît que trop bien par ici).

Il rappelle qu’aujourd’hui, on a pu identifier une quinzaine de structures anatomiques et fonctionnelles différentes d’un sexe à l’autre puisque désormais, « grâce à l’imagerie médicale on peut faire des études sur les vivants » (11’). De plus, ces différences statistiques sont à la fois « évidentes » et « reproductibles », contrairement à ce qu’affirme OF.

Il rappelle également que la prévalence de la dépression est différente selon les sexes (les femmes y sont davantage sujettes, voir aussi [Désespoir et solitude] – Le féminisme en échec), sans parler de l’autisme, des syndromes de  Parkinson ou de Gilles de la Tourette (davantage d’hommes) ou d’Alzheimer (davantage de femmes), sans qu’on en connaisse encore les facteurs biologiques déclencheurs  – mais il est assez clair que les « constructions sociales » n’y sont pas pour grand chose.

20’-21’ : Il rappelle les effets organisateurs de la testostérone prénatale qui différencie les cerveaux de manière irréversible, ce qui induira des différences de comportements réactivées par les hormones à l’âge adulte. On peut ainsi créer un cerveau masculin en l’exposant à de la testostérone et inversement – contrairement à ce que prétend OF. Il faut bien comprendre qu’à l’âge adulte, l’hormone sexuelle ne pourra agir que sur un cerveau présensibilisé à cette action par les hormones sexuelles prénatales.

23’ : Il explique que le sexe femelle est le « sexe neutre » chez les mammifères, le « sexe non hormonal » ou « sexe par défaut ». Le rôle des hormones sera de le masculiniser et de le « déféminiser » si l’embryon est un garçon. Il rappelle lui aussi que la testostérone se transforme en œstradiol chez les animaux (25’) mais, contrairement à ce que dit OF, « chez homme, la testostérone joue un rôle important ».

Une différence de cerveaux se laisse aussi déduire du fait que les adolescentes sont matures plus tôt, en moyenne deux ans avant les garçons. Mais qu’ensuite, le cerveau masculin vieillira un peu plus vite que le féminin. Par contre, la chute hormonale à la ménopause n’affecte pas le cerveau et n’accélère pas particulièrement son vieillissement – même si, bien plus tard, Alzheimer touchera préférentiellement les femmes (et Parkinson les hommes, rappelons-le).

De la même manière, les pistes thérapeutiques de demain devront prendre en compte les différences sexuelles, métaboliques et hormonales (29’). On sait ainsi que la vitesse de métabolisation des médicaments est ralentie chez les femmes, ce qui fait qu’une femme va rester sous effet plus longtemps et par exemple risquer de s’endormir au volant le matin ou d’être moins vigilante si elle a pris des somnifères la veille au soir. Nier les différences biologiques comme le fait OF reviendrait donc à mettre cette femme en danger.

On l’a compris, cette dernière mène véritablement sur ces questions un combat d’arrière-garde qui, et c’est un effet assez caractéristique du néo-féminisme, ne fait que maintenir les pays qui sont affectés par cette idéologie dans une forme d’obscurantisme et de retard scientifique assez incompréhensibles.

[à suivre…]

  • Voir aussi :

. Sur le même sujet :

Nicolas Gauvrit, « Le sexe du cerveau : pourquoi Catherine Vidal a tort », Raison et Psychologie

Peggy Sastre, « Sexe et cerveau : la neurobiologiste Catherine Vidal a tort et il faut que cela se sache », L’Obs, 28/08/2014

Jacques Balthazart, « Pourquoi les cerveaux masculins et féminins ne sont pas un « mythe », Propos recueillis par Thomas Mahler et Peggy Sastre (Le Point, 17/04/19)

. Picasso et l’hypothèse de la testostérone :