« Nous ne devrions pas avoir à nous excuser de nous repaître de beauté. La beauté est une valeur humaine éternelle ». Camille Paglia, Femmes libres, hommes libres, Laval (Qc), 2019, p. 115.
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Livrer les César du Cinéma aux féministes revenait à les condamner à mort – et c’est ce qui s’est passé en deux ans à peine (2020 et 2021). Déjà, subir ces deux imbitables et revêches donneuses de leçons que sont Florence Foresti et Marina Foïs était une purge en soi. Mais le pire a été le concours d’hystérie féministe et de fausse victimisation auquel se sont livrées successivement Adèle Haenel et Corinne Masiero (deux authentiques people qui ne représentent pas plus « les femmes » que « le peuple ») à travers leur surenchère de postures médiatiques de fausses rebelles. Corinne Masiero est revenue sur son happening parfaitement calculé pour faire le buzz en clamant que « ma force, c’est d’être moche, populaire et vulgaire » – elle a juste oublié « stupide et inculte ». Sa force, c’est surtout d’être une véritable imposture, mais passons. Cet article se propose d’expliquer pourquoi le néo-féminisme n’est quasiment plus que l’expression de la laideur féminine, quitte à la fabriquer de toutes pièces, et ce que cela révèle de la psychologie des femmes qui sont derrière.
La guerre féministe contre la beauté féminine
« De tous temps, la beauté a été ressentie par certains comme une secrète insulte. » Claude Debussy
Les néo-féministes occidentales s’en prennent continuellement à l’esthétique du nu féminin, à la beauté, à l’érotisme, à la « sexualisation » du corps féminin et même, de plus en plus ouvertement, à la féminité elle-même. Elles ne supportent pas que des femmes jeunes et jolies affichent publiquement leur jeunesse et leur beauté et plus que tout, que cela séduise les hommes. Elles veulent détruire l’attirance entre les sexes et sont clairement hétéro-phobes – j’utilise le terme « hétéro-phobe » avec un trait d’union à la manière de Pierre-André Taguieff afin de désigner la haine de l’hétérosexualité et le combat mené à son encontre. La jalousie maladive et l’envie de détruire tout ce qui échappe à leur pouvoir sont évidemment le moteur principal de ces manifestations, de plus en plus fréquentes, au cours desquelles les féministes imposent par la force – sous la forme de l’agression visuelle ou de l’exhibition sexuelle – le spectacle désespéré de leurs corps anti-érotiques.
En vérité, ces féministes sont à 100% dans la compétition intra-sexuelle et non pas dans la « sororité » comme elles le prétendent : la seule chose qu’elles ne supportent pas, c’est que des femmes plus jeunes, plus jolies, plus sexy et plus séduisantes qu’elles attirent les regards (des hommes comme des femmes, d’ailleurs) et les rejettent dans l’ombre, les renvoyant à leur solitude, leur aigreur, leur colère ou leur laideur.
L’intérêt du voile, pour la féministe pro-voile, c’est qu’il dissimule la laideur comme la beauté et affaiblit ainsi la compétition intra-sexuelle. Les femmes en couple sont moins en concurrence avec les femmes plus jeunes et plus jolies ; les femmes jeunes moins attirantes physiquement que leurs consoeurs peuvent faire valoir à la place leur vertu et leur pudeur et envoyer le message aux non-voilées qu’elles sont des traînées. De ce point de vue, il faut reconnaître au voile un certain égalitarisme. Mais toujours se souvenir que dans les faits, ce sont les femmes qui le réclament à corps et à cri – puisqu’elles ont tout à gagner à ce que chacune reste à sa place et pérennise l’ordre social communautaire.
Alors, si l’on récapitule brièvement le positionnement du néo-féminisme, on trouve ceci :
d’un côté, des féministes qui pleurnichent et tempêtent parce que de jolies femmes font saliver les hommes – dans des métiers d’hôtesses où elles sont au passage mieux payées que les hommes ;
ou qui, toujours sous couvert d’art contemporain (le fameux « art féministe », ha ha), nous infligent encore et encore – car l’inventivité et la créativité féministes sont désespérément nulles – la même « esthétique » trash :
Au final, le féminisme, c’est très simple :
Grosse, moche, bourrée de cellulite, hargneuse, jalouse, méchante et pratiquant l’agression visuelle : BIEN !
Jolie, jeune, agréable à regarder, gagnant sa vie grâce à sa jeunesse et son physique, sans la moindre agressivité (sauf pour les aigries et les bigotes qui maudissent la concurrence) : PAS BIEN !
Les voies de la « sororité » sont décidément impénétrables (enfin… pas tant que ça 😉 )
Du féminisme au féisme ?
Le mot espagnol feminismo a inspiré à une amie hispanisante le néologisme feismo [de l’espagnol feo ; fea : moche]. En français, le « mochisme » ou « féisme » (pour conserver l’assonance avec féminisme) pourrait tout aussi parfaitement décrire « l’esthétique » féministe.
Même si cela fait longtemps que les Beaux-Arts ne sont plus beaux et qu’il est de bon ton dans les milieux autorisés de déféquer sur la beauté et l’esthétique, jugés ringards et/ou de droite, le féminisme semble avoir fait du féisme l’unique credo de l’ensemble de ses productions. Des clitos géants toujours plus moches, des vulves géantes toujours plus ridicules, des montagnes de cellulite toujours plus repoussantes, des règles tartinées jusqu’à plus soif, du pipi, du caca… et toujours en filigrane ce même message : tout ce qui peut rappeler la beauté intemporelle du corps féminin, son érotisme immémorial, son pouvoir de séduction et de fascination inégalés – avec en face, l’épouvantail du « male gaze » (le regard masculin désirant) –, tout cela doit être détruit, déconstruit, piétiné, conchié. Au nom d’une héréro-phobie qui n’est probablement que l’expression d’un nihilisme et d’un désespoir de plus en plus profonds et irrémédiables.
Ce qu’elle va confirmer quelques jours plus tard, en essayant en plus de faire croire que le peuple préfère la laideur car il serait vulgaire par nature. On notera au passage le mépris du peuple de cette caste de privilégiés qui s’imaginent que leurs turpitudes sont partagées par tous :
Il devient donc de plus en plus clair que les féministes qui prétendent « libérer la femme » détestent en réalité tout ce qui fait la femme – et de ce fait, les femmes elles-mêmes:
. Sur Miss France, voir aussi :
Elles conspuent systématiquement ce qui renvoie au féminin, à la féminité, à la beauté, à la grâce, et surtout aux efforts des femmes pour jouer le jeu de l’hétérosexualité (jeu qui, je le rappelle, convient parfaitement à l’immense majorité d’entre elles) :
En singeant servilement les stupides happenings de l’art contemporain, elles s’inscrivent dans la posture élitiste et méprisante d’une poignée de très hauts revenus (les adeptes du « Financial Art »), qui peuvent se payer le luxe de déféquer sur l’aspiration à la beauté de l’immense majorité des peuples. Peuple qui en réalité préférera toujours ce qui élève l’esprit à ces pitoyables simagrées – il n’est qu’à voir les réactions de dégoût devant les honteux César 2021.
Mars 2021 : Nouvel exemple de féisme, sous forme cette fois de pédophilie déguisée en progressisme : ce sont les mêmes qui font mine de lutter contre la pédophilie mais qui jouissent de montrer leur sexe à des enfants de 10 ans. Comme si les enfants, sur les plages, l’été, n’étaient pas capables de se rendre compte tous seuls qu’il y a toutes sortes de morphologies chez les adultes. Il s’agit encore de féminisme trash : tuer l’érotisme, tuer la beauté, tuer le mystère. Toujours tout salir, toujours tout flétrir, toujours couper les ailes à toute velléité d’aspiration à la beauté ou à l’élévation : « Une émission mettant des adultes nus face à des enfants fait polémique aux Pays-Bas ».
Les violences conjugales sont l’arme absolue du féminisme victimaire, l’argument-massue censé mettre fin à toute argumentation et toute velléité d’analyse rationnelle. À chaque femme morte sous les coups d’un homme, les féministes déroulent leurs lamentations/accusations/revendications pécuniaires, toujours sur le même schéma binaire : femme victime (toute femme)/homme bourreau (tout homme).
La réalité des chiffres et des homicides: ils sont en baisse
. Les homicides dont les victimes sont des femmes sont en réalité en baisse constante (moins 25% depuis 10 ans) – mais il ne faut surtout pas le dire :
« Féminicides » en 2020 : le tour de passe-passe sur les chiffres
Si le terme « féminicide » est une invention sémantique qui ne recouvre aucune réalité – puisqu’il s’agit à proprement parler d’homicides (voir plus bas), les homicides en question sont même une réalité alternative. Contrairement à la propagande permanente comme quoi le confinement aurait aggravé le danger pour les femmes, les véritables chiffres nous apprennent que ceux-ci ont en fait diminué en 2020, affichant même une baisse de 33% :
Il est impossible de travailler sur le sujet en dehors de l’approche féministe idéologique. Car celle-ci va :
« – Entraver des publications : faire obstruction à la publication de données qui contredisent l’axiome féministe, par exemple en refusant de financer des études de victimisation des hommes, ou des études basées sur l’idée que les violences conjugales ne sont pas spécifiquement liées au genre. – Harceler, menacer et sanctionner les chercheurs qui produisent des preuves empiriques contraires à l’axiome féministe. » (Source Wikipedia)
. Les approches non victimaires qui montrent que les études féministes sont biaisées et font volontairement des amalgames sont ignorées :
Impasse sur les morts masculines (hommes tués par des hommes), beaucoup plus nombreuses (sans commune mesure) :
La violence létale est très majoritairement d’origine masculine, mais les victimes de cette violence sont prioritairement les hommes eux-mêmes. Les hommes sont physiquement plus violents que les femmes, c’est une donnée biologique et évolutive qu’il faut savoir regarder en face pour ne pas se tromper sur les attitudes à tenir. Les féministes qui s’imaginent que leur idéologie constructiviste est plus forte que la testostérone se prendront toujours le réel en pleine figure.
. Partout dans le monde, les premières victimes de la violence sont très largement les hommes. Les femmes ne représentent qu’un très petit pourcentage des homicides. Pour autant, les féministes ignorent volontairement le malheur des hommes et laissent clairement entendre que pour elles, la vie d’un homme ne vaut rien (hypothèse de la « jetabilité masculine ») : « La vie d’un homme vaut-elle moins que celle d’une femme ? » (Le Point, juillet 2019)
C’est moins que les femmes et on est loin de la parité en termes de morts violentes directes. Pour autant, ces simples faits infirment l’approche exclusivement sexiste et misandre des féministes. Les violences de couple sont un domaine de la violence qui implique les deux sexes. La violence verbale et psychologique féminine est une constante.
20% des hommes sont officiellement victimes de violences conjugales selon une étude citée par une vidéo mise en ligne par BHU, un chiffre largement sous-estimé en raison du tabou concernant les hommes et de leurs difficultés à se confier et à être crus. « Les études internationales démontrent qu’une femme sur quatre subit une forme de violence conjugale, mais aussi qu’un homme sur cinq vit une expérience similaire. Certaines études affirment même qu’il y a très peu de différence entre les sexes » : Un homme sur cinq est victime de violence conjugale (Le Vif, 12/01/17)
Impasse totale sur les violences psychologiques et non létales des femmes dans le couple, en réalité plus nombreuses qu’en sens inverse. Les femmes sont au quotidien plus agressives que les hommes dans le couple. On trouvera un état de la question dans cet article :
« On évoque rarement le fait que plus de la moitié (57.9%) des situations de violences conjugales sont bidirectionnelles (les deux partenaires font usage de la violence)[6]. Cette configuration met souvent à mal les professionnels médico-sociaux, notamment lorsque les deux partenaires souhaitent rester ensemble. Lorsque les mesures de protection ont été prises et que les protagonistes reconnaissent leurs difficultés, une prise en charge conjointe, en thérapie de couple, peut s’avérer pertinente et mener à des résultats notables[7][8]. Pourtant, la thérapie de couple reste dramatiquement peu développée et professionnalisée en France. «
Faire croire que c’est par misogynie que les hommes tuent des femmes, alors que pas du tout
Le concept de féminicide essaie de faire croire que c’est par misogynie que les hommes tuent leur compagne, alors que pas du tout. Ces hommes ne tuent pas leur partenaire parce que c’est UNE femme, mais parce que c’est LEUR femme. C’est un crime de la relation, pas un crime misogyne. D’ailleurs l’agresseur peut être une femme et la victime un homme. Devrait-on parler dans ce cas de crime misandre ou d’androcide ?
Cf. Peggy Sastre, « La qualification du crime », Le Point, 13/09/19 : « Le terme de meurtre ou d’homicide conjugal a été largement remplacé par celui de féminicide, qui met l’accent sur le sexe et le genre des victimes, comme s’il s’agissait de la raison de leur mort tragique. Ce n’est pas le cas. Si les victimes des violences conjugales sont majoritairement des femmes, ces violences touchent aussi des hommes et surviennent dans des couples de même sexe, selon une fréquence au moins équivalente (et, selon certaines études, supérieure) aux couples hétérosexuels. Les femmes tuées par un homme dans notre pays et de par le monde ne le sont pas parce qu’elles sont des femmes. Elles sont mortes parce qu’elles étaient épouse, ou compagne, convoitée sans envie réciproque de « faire couple », etc. Ce n’est donc pas leur identité ou leur nature qui a fait d’elles des victimes, mais leur statut. »
Black-out total sur l’origine ethnique des agresseurs : aucune statistique. Seuls les profils d’agresseurs blancs occidentaux de type Bertrand Cantat sont montés en épingle
Impasse sur les violences conjugales proportionnellement plus élevées dans les couples homos :
L’emprise psychologique est pratiquée à égalité par les deux sexes. Les pervers narcissiques (PN) sont aussi bien des hommes que des femmes, puisqu’il s’agit à la base d’une forme d’immaturité psychique devenue un mode de fonctionnement et une structure de la personnalité à vie (ce sont des adultes qui conserveront à vie le quotient émotionnel d’un enfant de 2 ans). Les hommes victimes ont toujours beaucoup de mal à verbaliser ce qui leur arrive, mais les femmes sont naturellement plus douées pour le faire. Grâce à la banalisation des couples lesbiens, ces faits deviennent davantage visibles :
La violence masculine létale est une donnée de l’évolution
. Le darwinisme l’explique (sans la justifier)
Peggy Sastre, « Différences entre les sexes : Darwin avait raison » (Le Point, 12 juin 2019) : les hommes sont d’un point de vue évolutionnaire et biologique plus violents que les femmes, mais ces dernières sont davantage enclines aux ragots destructeurs qui les plombent elles-mêmes et les rendent dépressives
Peggy Sastre, « La qualification du crime », Le Point, 13/09/19 : « En termes biologiques, les violences conjugales sont une forme extrême de « rétention de partenaire », soit toutes les tactiques permettant de préserver son succès reproducteur en ne perdant pas son compagnon d’accouplement. Ici, darwiniens et féministes radicales pourraient être sur la même longueur d’onde : il en va d’un continuum entre la main que l’on serre quand on se promène dans la rue et celle que l’on envoie dans la gueule. Ces stratégies ne sont pas équivalentes, mais elles visent un même objectif : contrôler et orienter la sexualité d’autrui à son profit en prévenant, punissant et palliant l’infidélité. Comme pour bien des phénomènes construits sur des fondations biologiques, ils surviennent et perdurent parce qu’ils émergent d’un « calcul » avantageux pour (les gènes de) leurs agents. Dans sa forme masculine, la rétention de partenaire répond à l’incertitude de paternité inhérente à la reproduction des mammifères placentaires. Les hommes ayant le plus à perdre en cas de tromperie, ils ont aussi le plus à gagner à l’éviter par tous les moyens, y compris létaux. Voici quelques traces* des racines évolutionnaires des violences conjugales : elles sont quasi exclusivement motivées par la jalousie, la courbe des risques suit celle de la fertilité féminine, les femmes y sont d’autant plus vulnérables qu’elles ne sont pas mariées avec leur agresseur, ont « recomposé » avec lui une famille avec leurs enfants d’« un premier lit » ou forment (en étant les plus jeunes) un couple à forte différence d’âge. Il ne s’agit en aucun cas de justifications, d’excuses ou d’une incitation à regarder ailleurs, seulement d’une étiologie que l’on ne peut ignorer pour avoir quelque espoir de prévenir et traiter le mal. »
. Lien avec la testostérone et la difficulté à gérer ses émotions autrement que par la violence physique (« hypothèse de la testostérone »)
. Les femmes choisissent instinctivement les hommes violents :
Cette vidéo explique pourquoi une femme éduquée et moderne ira contre toute attente se faire tabasser par un mufle plutôt que de choisir un homme « woke ». Cela pourrait paraître caricatural, mais les statistiques de la violence conjugale nous montrent que c’est pourtant une réalité :
. Sur le plan juridique, la complainte féministe voulant faire croire que les violences conjugales ne seraient pas suffisamment prises en compte et punies est une contre-vérité historique : l’histoire juridique du XIXe siècle nous apprend au contraire que les violences conjugales y étaient déjà condamnées et que la violence de l’époux était un facteur aggravant. Une fois de plus, l’histoire et le réel vont à l’encontre des allégations féministes : Violences conjugales : comment la justice est parvenue à « entrer au pied du lit ».
. Dans le but de réclamer de l’argent public et des subventions, d’où le besoin de noircir le tableau. Par définition, le féminisme victimaire a besoin de victimes (sinon, c’est lui qui meurt).
. L’exploitation victimiste a comme chef de file Muriel Salmona et son concept de « mémoire traumatique », une méthode de secte consistant à induire de faux souvenirs chez les victimes afin qu’elles accusent sans preuves leurs proches. Ces méthodes sont vigoureusement dénoncées par Brigitte Axelrad notamment, voir :
. Une excellente synthèse de la situation aux États-Unis, qui montre que la vision victimaire féministe des violences conjugales ne rend service à personne, en particulier pas aux femmes pauvres ou de couleur :
Camille Paglia déchaîne les passions outre-Atlantique. Critiquée par certaines féministes pour ses positions libertaires sur la pornographie et la prostitution, elle est adulée par d’autres pour son habileté décapante à se battre contre la censure artistique comme à démonter certains présupposés sur la féminité – et ce depuis la publication de son premier ouvrage Sexual Personae en 1990. Une traduction française d’une partie de ce pamphlet iconoclaste vient enfin de paraître. L’occasion de demander à cette professeure de philosophie à l’université de Philadelphie tout autant marquée par Nietzsche et Simone de Beauvoir que par Freud et Sade, pourquoi, selon elle, la dissidence, artistique comme sexuelle, est, plus que jamais, une vertu.
SC
Votre livre Sexual Personae est paru en 1990, en pleine vague de puritanisme. La gigantesque libération des moeurs des années 1960 avait donné naissance à une nouvelle manière de regarder l’art ; puis nous nous sommes mis à faire la chasse aux outrages et aux défaillances morales dans les oeuvres visuelles ou narratives. Au moment même où paraît la traduction française de deux textes extraits de Sexual Personae, certains proposent de retirer des musées un tableau de Balthus représentant une très jeune fille, ou une peinture de John William Waterhouse. Diriez-vous, avec Nietzsche, que, dans l’art comme dans la vie, tout procède d’un éternel retour, et que la situation actuelle est identique à celle des années 1980?
Nietzsche a profondément influencé ma conception, très sombre, des forces de création et de destruction perpétuellement à l’oeuvre dans la vie humaine, mais ma théorie cyclique de l’histoire vient en fin de compte, avant lui, de Vico. La révolution sexuelle des années 1960 a exercé une influence radicale sur ma génération. Le repli réactionnaire opéré dans les années 1970 par la seconde vague du féminisme sur les positions d’un puritanisme virulent, n’en était que plus choquant. La sincérité sexuelle des films d’art et d’essai européens les plus audacieux et les nouvelles traductions du marquis de Sade et d’Histoire d’O. avaient galvanisé le courant féministe pro-sexe auquel j’appartenais. La crudité sexuelle du rock’n’roll, plongeant ses racines dans le blues afro-américain, était notre langue quotidienne. Des jeunes femmes comme moi entraient sans crainte dans des cinémas où des films pornographiques comme Gorge profonde ou Derrière la porte verte étaient projetés devant des publics qui n’étaient plus exclusivement masculins. Emmanuelle, avec Sylvia Krystel dans le rôle d’une charmante aventurière bisexuelle à Bangkok, représentait le rêve visionnaire de plaisirs exotiques. Jeanne Moreau, Delphine Seyrig, Catherine Deneuve et Stéphane Audran incarnaient de brillantes images de sophistication sexuelle, balayant les « braves filles » provinciales d’Hollywood à la Doris Day ou Debbie Reynolds, qu’on nous avait imposées dans notre jeunesse. Quand je suis arrivée à la Graduate School de Yale en 1968, j’ai accroché au-dessus de mon lit une grande affiche de Belle de jour qui montrait Deneuve provocante, son dos nu tourné vers le spectateur. C’était pour moi une image sacrée, dont j’ai été curieusement récompensée peu après en croisant le chemin de Deneuve à New York : nous nous sommes littéralement foncées dedans, de face, devant le magasin Saks de la Cinquième avenue – sur quoi, stupéfaite, je lui ai impoliment couru après pour lui demander un autographe. Bien sûr, je n’étais personne, je n’étais qu’une simple étudiante, mais c’était pour moi un événement incroyable qui m’a convaincue de l’existence de certaines énergies irrationnelles à l’oeuvre dans la sexualité, aux confins du mystique. La nature, le magnétisme et l’instinct animal nous dirigent d’une manière que nous ne comprendrons jamais complètement.
Cependant, au cours des années 1970, une haine vicieuse des hommes a usurpé le rôle du féminisme, tandis que, à la même époque, des petites bourgeoises comme Kate Millett déformaient le féminisme en réduisant la complexité et les nuances de l’art à des banalités moralisatrices. Des bureaucrates bornés ont créé du jour au lendemain des programmes d’études féminines dans les universités, nouvelle discipline née précipitamment sans contenu académique formel ni cadre professionnel. Une rhétorique idéologique incendiaire est alors devenue la démarche standard pour l’analyse de la littérature et de la culture. On s’est mis à attaquer et à réprimander de grandes oeuvres d’art pour leurs manquements coupables au politiquement correct. Ces lectures littéralistes ont perdu tout intérêt pour les notions de subtilité, d’ambiguïté, de paradoxe ou d’ambivalence à l’oeuvre dans les productions littéraires. Les plus grands artistes se sont vu sermonner comme des enfants turbulents lorsqu’ils échouaient à se conformer à ce code de respectabilité bourgeoise sans humour, digne d’une vieille fille institutrice.
UN PAS EN ARRIÈRE
Ma philosophie de l’art et de la sexualité doit tout aux magnifiques livres illustrés que mon père a rapportés de France au début des années 1950, alors que j’étais toute petite. Il était parti étudier les langues romanes à la Sorbonne pendant un an grâce au « G. I. Bill » du gouvernement américain en faveur des vétérans de la Seconde Guerre mondiale (il avait servi comme parachutiste dans l’armée). Luxueusement illustré d’une fabuleuse quantité de planches en couleur, le livre Art Treasures of the Louvre («Trésors artistiques du Louvre ») introduisit l’histoire de l’art dans ma petite ville industrielle au nord de l’État de New York. Une autre de ces acquisitions parisiennes était absolument phénoménale : un grand album de l’architecture et de la sculpture de l’École de Fontainebleau. Pendant mon adolescence, une magnifique photographie noir et blanc extraite de cet album, délicieusement imprimée, était accrochée au mur de ma chambre. Elle représentait la sculpture de marbre (alors attribuée à Goujon) de la Diane d’Anet, où la déesse nue est allongée, tenant un arc d’une main et embrassant un cerf de l’autre, spectacle onirique d’une gracieuse Amazone maîtresse de la nature sauvage ainsi que des jardins ornés de l’amour. Ma théorie de l’art a commencé à prendre forme au lycée, après que j’ai découvert chez un bouquiniste un recueil de mots d’esprit d’Oscar Wilde. Figure majeure du mouvement de « l’Art pour l’art » au 19e siècle, Wilde menait une guerre totale au sentimentalisme humanitaire et à la pruderie des moralistes victoriens. Il croyait à la nécessité d’offenser, de provoquer, d’enfreindre, de détruire partout les banalités confortables. À l’université, mes références en matière d’art et de morale se sont étendues à Baudelaire, Gautier, Verlaine, Gide, Sartre et Genet. J’ai ensuite été attirée par la poésie « Beat », qui au cours des années 1950, avait adopté les rythmes syncopés du cool jazz afro-américain (très présent à Paris après-guerre) et repoussait les limites de la poésie au moyen de l’argot de la rue et d’allusions sexuelles explicites. Étant donné la visibilité et les réalisations de l’écriture et de l’art « underground » dans les décennies qui précèdent immédiatement la révolution sexuelle des années 1960, il est incompréhensible que la deuxième vague du féminisme ait pu effectuer un tel pas en arrière dans le sens d’une censure rigide du sexe. Dans les années 1970, avec mon courant féministe pro-sexe, nous combattions l’obsession anti-hommes des nouvelles professeures d’études féminines, de Gloria Steinem ou des principales organisations de femmes. Au cours des années 1980, les féministes les plus influentes étaient Catharine MacKinnon, fanatique impitoyable tout droit sortie de l’Inquisition espagnole, et Andrea Dworkin, névrosée folle à lier, qui haïssait son corps au point de le martyriser sous la forme d’une obésité agressive, et définissait pernicieusement tout rapport sexuel hétérosexuel comme un viol. Le courant féministe pro-sexe a été vaincu et réduit au silence pour plus de 20 ans. J’ai terminé Sexual Personae en 1981, mais le manuscrit a été refusé par sept éditeurs et n’est paru qu’en 1990. Avec son sens catholique de la culpabilité et de la transgression, c’est vraiment Madonna qui a transformé cette culture, grâce à l’approche ouverte dont témoignaient sa musique, ses vidéos et ses spectacles envers la sexualité. Les féministes pro-sexe ont marqué beaucoup de points dans les années 1990. C’est aussi à cette époque que nous avons vigoureusement combattu les speech codes qui commençaient à faire leur apparition dans les universités, désormais sous le contrôle de philanthropes intrusifs qui traitaient les chercheurs comme des esclaves, de simples employés. À la fin du millénaire, la victoire des féministes pro-sexe semblait totale et définitive. Même les jeunes voix puritaines de la « troisième vague » du féminisme soutenue par Gloria Steinem, comme Susan Faludi et Naomi Wolf, avec leur hostilité méprisante à la beauté et à la mode, avaient perdu l’attention des médias anglo-américains. D’où mon horreur et mon inquiétude devant le cycle de puritanisme destructeur qui fait actuellement retour dans le féminisme. Idéaliste mais naïve, formée dans un environnement numérique bruyant et d’une immatérialité déconcertante, la jeune génération en revient aux positions les plus extrêmes du moralisme féministe. Les femmes y sont présentées comme des victimes passives et désarmées, incapables d’exister dans le monde dangereux de la sexualité sans une structure autoritaire parentale de substitution pour les protéger et les venger. C’est décourageant, c’est affligeant ! Pire : ces colères hystériques, ces toxines masochistes sont maintenant arrivées en France, autrefois la capitale mondiale d’une conception éclairée et cosmopolite tant de l’art que du sexe. Si même la France succombe sous le rouleau compresseur du fascisme féministe, qui restera-t-il pour lutter?
HORS DU SYSTÈME DE GENRE
Vous affirmez que ce qui est féminin en vous relève de la nature et non de la culture. Mais, dans une conférence filmée du 20 mars 2017, vous avez longuement insisté sur le fait que vous ne viviez pas comme une femme, que vous ne vous étiez jamais sentie reconnue comme femme, mais que vous ne vous sentiez pas homme non plus. Quand elle a été la première femme élue à l’Académie française, Marguerite Yourcenar a dit : « La littérature dite féminine a créé un ghetto dont nous n’avons pas besoin. L’écriture est le produit de l’intelligence. On n’écrit pas avec son sexe, même si, cependant, certaines émotions sont sensuelles. » Vous avez formulé le désir que vos essais fassent coexister l’intellect et l’inspiration, la rigueur de l’analyse et ce que vous nommez « une prose poétique à la manière de Walter Pater » ? Est-ce là un équivalent de la sensualité qu’évoque Yourcenar?
Dans l’introduction de mon nouveau livre Provocations, je décris la voix de Sexual Personae comme « une construction transgenre utilisant les matériaux du langage et de l’esprit ». Je parlais autrefois de Sexual Personae comme du « plus grand changement de sexe de l’histoire ». Par quelque singularité du destin, j’ai parcouru le monde comme un étranger vigilant né hors du système de genre. Il semble que j’aie toujours eu la capacité de regarder les femmes à travers les yeux d’un homme, et les hommes à travers les yeux d’une femme. J’ai sans aucun doute été inspirée dans ma jeunesse par la clarté froide, la vaste ambition et l’architecture monumentale du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir. J’étais comme elle éprise de l’énergie conceptuelle propulsive des plus grands artistes et écrivains de sexe masculin. Seules les femmes faibles peuvent nier l’incroyable pouvoir créatif des hommes de génie à travers l’histoire, dans chaque domaine de la vie et de l’art. Écrire est pour moi une entrée dans l’abstraction, une fuite hors des accidents et des humiliations de la biologie, hors de la banalité quotidienne, vers un espace objectif occupé par des formes découpées et austères. Comme mes ancêtres romains qui construisaient des routes, des temples et des stades à travers tout le monde connu, j’ai le sentiment de travailler dans la pierre. Walter Pater était le modèle d’Oscar Wilde lorsqu’il était étudiant à Oxford, et il a en effet exercé une influence cruciale sur moi. Son hommage bizarre et hypnotique à la Joconde de Léonard de Vinci, écrit dans une prose poétiquement sophistiquée qui annonce les Mythologies de Roland Barthes, se confronte ainsi à la tenace étrangeté de cette grande peinture et suggère une intimité primitive des femmes avec la nature qui trouble le lecteur. Quand j’écris sur l’art ou la poésie, je vise (telle un scrupuleux scribe égyptien) une description et une transcription complètes qui sachent en même temps préserver la fugacité sarcastique de l’oeuvre et relever le défi railleur qu’elle nous lance. Tout grand art se transforme, mystérieusement, à chaque fois que nous revenons à lui.
SAUVAGERIE PRIMITIVE
« La société n’est pas responsable, mais plutôt la force qui tient le crime sous son contrôle », dites-vous. Vous insistez sur l’existence d’une cruauté innée. Croyez-vous comme Freud et, avant lui, avec Sabina Spielrein, qu’aussi empreint soit-on d’humanisme et de bienveillance, le sexe et l’érotisme sont « démoniques » ; et qu’on ne peut débarrasser le sexe (j’entends bien : le sexe entre adultes parfaitement consentants) de toute forme de rapport de force? Rassurez-moi: la joie et la liberté dans le sexe ne sont pas des utopies ?
Comme je l’affirme dans Sexual Personae, la nature concerne les espèces, jamais les individus. Ce n’est qu’à l’intérieur de la société que l’individualisme peut émerger. L’instinct sexuel est une pulsion d’origine hormonale, implantée en nous par une nature coercitive, dans le seul but de la procréation hétérosexuelle. Le plaisir sexuel est un appât, un leurre au moyen duquel la nature a mis en contact physique des générations innombrables d’hommes et de femmes qui ne se comprenaient pas les uns les autres, à des fins de préservation et d’expansion de l’espèce. Que nous le voulions ou non, c’est un fait irréductible que le sort a conçu nos corps pour l’accouplement et la reproduction : le vagin, en tant que réceptacle, va comme un gant au pénis qui y dépose sa semence. À mesure que les sociétés évoluaient et que les problèmes de survie se faisaient moins urgents, le sexe est devenu une activité récréative, avec ses rituels de séduction annexes, et l’homosexualité a émergé en tant que pratique optionnelle, parfois discrètement tolérée, ailleurs réprimée et persécutée pour des raisons religieuses. C’est la nature qui a implanté la sexualité dans nos corps ; je considère donc l’homosexualité comme totalement naturelle. Du point de vue libertarien qui est le mien, l’État ne doit exercer aucune autorité ni aucun contrôle sur ce que nous faisons de nos corps, y compris la consommation de drogues, la sodomie, la prostitution ou l’avortement. Nos corps sont entièrement formés dès la grossesse, bien avant que notre naissance nous confère la citoyenneté dans le monde social. Notre être physique ne peut donc pas être régulé par l’État. L’État jouit cependant d’un rôle particulier, qui consiste à gérer les situations dans lesquelles nos choix personnels peuvent affecter négativement la vie des autres, comme par exemple lorsqu’on astreint des conducteurs de locomotive ou des chauffeurs de bus à des tests de dépistage de drogues. Cependant, ce que je vois à la fois dans l’hétérosexualité et dans l’homosexualité telles qu’elles existent dans les sociétés avancées contemporaines, c’est l’émergence d’obscurs schémas puisant leur source dans notre enfance. En cette époque de familles nucléaires isolées et claustrophobes, le choix de la personne qui nous attire ou dont nous tombons amoureux semble profondément influencé par notre enfance. De plus, de longues observations m’ont montré que, dans le monde occidental contemporain, l’homosexualité exclusive (par opposition à la bisexualité) trouve une étiologie particulière dans ce que Freud appelle « le roman familial ». Ce sujet a été stupidement évité depuis des décennies, et la discussion interdite, de peur de renforcer les forces répressives homophobes. Il faut condamner cette censure de toute pensée libre, de tout discours libre à gauche. La connaissance de soi, l’idéal delphique, doit demeurer notre principe ultime. Oui, je crois que des hiérarchies secrètes, des dynamiques de pouvoir cachées, relevant tantôt de la biologie, tantôt de la psychologie, sont à l’oeuvre dans tout rapport sexuel. Certains aventuriers du sexe cherchent à renforcer leur identité, d’autres à la supprimer. Nos excès ou nos surplus de désir, distraits de la simple mécanique de la procréation, se déversent dans l’imagination, l’hallucination, l’obsession, voire le meurtre, et demeurent une source d’inspiration majeure pour l’art. Le sexe lui-même s’enracine partiellement voire entièrement dans des zones primitives du cerveau auxquelles la conscience rationnelle n’a pas accès. Des impulsions et des signaux venus de cette zone obscure surgissent dans notre vie onirique, que la plupart des gens bloquent par crainte au cours du réveil. Selon Sexual Personae, qui suit en cela Sade, Nietzsche et Freud, la civilisation n’est qu’un vernis, qu’une surface artificielle dissimulant les forces bouillonnantes de la volonté de puissance. Toute cette sauvagerie primitive fera à nouveau éruption dès que les structures confortables de la société occidentale s’effondreront pour une raison ou une autre, sabotage volontaire ou catastrophe naturelle, tremblement de terre ou chute d’astéroïde. Si des terroristes finissaient par comprendre comment paralyser le réseau électrique dont le monde occidental dépend désormais dangereusement pour ses moindres activités quotidiennes, la civilisation telle que nous la connaissons s’effondrerait en quelques semaines, l’interruption de la fourniture de nourriture conduisant inévitablement à des émeutes et des pillages. Babylone et la Rome impériale aussi croyaient que leur richesse et leurs cultures imposantes dureraient toujours. Mais l’humanité survivra, obstinément, échappant pas à pas aux ruines de ses illusions trompeuse
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