[La paille et la poutre] – Éliane Viennot, le féminisme et la misogynie

Éliane Viennot entend donner des leçons de morale féministe aux femmes qui résistent à ses injonctions victimaires, allant jusqu’à les traiter de « femmes misogynes ». Revenons un instant sur ce mauvais procès et voyons qui est la plus misogyne des deux.

Je fais référence ici à sa tribune parue le 12 mars 2020 dans Libération, « Les femmes misogynes sont déprimantes, mais elles ne sont pas nos ennemies », écrite en réaction aux femmes qui avaient critiqué le cirque ridicule d’Adèle Haenel aux Césars 2020. Précisons d’emblée que personnellement, je n’ai pas de problème à être l’ennemie d’Éliane Viennot et que je me contrefiche de son absolution ou de son pardon. Quand je dis « ennemie », c’est sur le plan intellectuel et non pas personnel, cela va de soi,  puisqu’il s’agit exclusivement d’un combat d’idées, parfaitement licite, n’en déplaise à tous les tenants gauchistes de la censure qui ne supportent pas que l’on puisse penser différemment d’eux (je ne suis pas près d’oublier les paroles de cet imbécile de Lagasnerie sur France Inter : « J’assume totalement le fait qu’il faut reproduire un certain nombre de censures en vérité dans l’espace public pour rétablir un espace où les opinions justes prennent le pouvoir sur les opinions injustes »). Bref.

Éliane Viennot confond évidemment « femme critiquant les délires du féminisme » avec « misogyne » – une faiblesse intellectuelle tristement partagée dans le monde du féminisme universitaire, que j’avais déjà abordée dans cet article : « La femme antiféministe, épine dans le pied des féministes ».

Éliane Viennot incarne à la perfection ce « chœur des vierges en treillis » que la géniale Annie Le Brun moquait déjà en 1978, ce troupeau de brebis parties mener leur combat d’opérette contre leur fantasme favori : « seule la domination masculine est au centre du combat », gna gna gna. La « domination masculine », cette imposture bourdieusienne qui n’existe que dans la tête d’É. V. et qui n’est dans les faits rien d’autre que ce qui lui permet de vivre grassement aux frais de la collectivité tout en racontant à peu près n’importe quoi : 

[Patriarcat imaginaire] – L’Obs veut nous vendre à tout prix la « domination masculine »

L’habituelle phraséologie victimaire est convoquée dans la tribune, depuis Polanski qui fait partie du « groupe des prédateurs » jusqu’à « l’empressement à faire allégeance » aux « dominants », en passant par la  « solidarité des oppresseurs », la « règle du masculin qui l’emporte sur le féminin » et autres balivernes téléphonées.

E. V., tout comme sa collègue, la grande intellectuelle féministe Camelia Jordana, n’a jamais digéré la fameuse « Tribune des 100 ».  Elle s’en prend donc à ses signataires, de même qu’à Natacha Polony et aux avocates qui ont dénoncé l’impossibilité de porter une autre parole (voir : « Marie Dosé : « La libération de cette parole est en train de confisquer les autres », France Inter, 9/03/20). Elle est aussi toute fière de nous apprendre qu’elle a consacré un développement aux « errements des femmes ‘éclairées’» de l’époque des Lumières.

Suit une explosion de colère assortie de chantage et de menaces : « Car c’est bien cela qui est révoltant. La haine de soi « de base », celle des femmes qu’on croise au boulot ou dans des cercles proches, on arrive parfois à la supporter. Celle des diplômées, celle des « arrivées », celle des émancipées qui crachent sur les héroïnes d’aujourd’hui, on n’y arrive pas. On se dit qu’elles devraient savoir, elles, que leurs positions, leurs diplômes, leur droit à s’exprimer, elles les doivent à d’autres femmes : à Christine de Pizan, à Marie de Gournay, à Olympe de Gouges, à Hubertine Auclert, à Simone de Beauvoir, à toutes celles et aux quelques ceux qui ont lutté pendant des siècles pour que les femmes puissent concourir pour les bonnes places, exprimer leurs talents, dire leur mot. On se dit qu’elles devraient être reconnaissantes, continuer la lutte, passer le relais, puisque l’égalité est encore loin. Ou fermer leur gueule, simplement. »

Bien. Je suis justement une femme émancipée, diplômée, « éclairée », etc., qui se reconnaît dans l’héritage des Lumières (et même beaucoup plus qu’elle et ses camarades néo-féministes qui conspuent l’universalisme H24). Mais je ne le dois pas plus à Olympe de Gouges ou Simone de Beauvoir qu’aux hommes qui ont contribué non seulement aux Lumières, mais à la construction de l’humanisme depuis la Renaissance et même bien avant ! Car c’est toute la civilisation occidentale judéo-chrétienne qui a porté l’égalité des sexes – on peut même remonter jusqu’à saint Paul, un fieffé misogyne pourtant, qui mettait les sexes sur un pied d’égalité dans la vie chrétienne : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme » (Galates 3, 28). C’est aussi sur cette culture et sur ces textes que l’égalité des sexes s’est frayée un chemin jusqu’aux Temps Modernes !

Les femmes ne se sont pas dressées courageusement contre des hommes qui voulaient les maintenir ou les mettre en esclavage : ce sont ces derniers qui les ont invitées à les rejoindre dans leurs cercles au fur et à mesure que les avancées techniques, économiques et intellectuelles de la civilisation le permettaient, tout simplement !  Et c’est là toute l’histoire de l’Occident. Même dans cet article qui voudrait démontrer le contraire, « La longue marche des femmes de France vers l’émancipation », Scarlett Beauvalet-Boutouyrie est bien obligée de révéler en creux que la situation de la femme n’a pas toujours été la soumission et l’esclavage que prétendent les féministes – car les faits, eux, ne mentent pas (je fais le compte-rendu de cet article, et du ridicule dossier de l’Obs dans lequel il s’insère, ici). 

Après nous avoir intimé de « fermer notre gueule », la tribune bascule dans l’habituel délire névrotique féministe : « Aussi en vue soient-elles, ces femmes ne sont que des femmes. C’est-à-dire des victimes du patriarcat. » « Que » des femmes et qui plus est, « des « victimes de patriarcat » ! Comment peut-on être plus rabaissant, plus misérabiliste et plus ridicule ? C’est donc cela que l’université française enseigne aujourd’hui ? Quelle honte, quelle déchéance que ce victimisme pleurnichard juste bon à traiter toute femme de victime des hommes. Comment peut-on se dire intellectuelle et tenir des propos aussi stupides ? Cela ne peut que conforter tous ceux qui sont convaincus que l’entrée des femmes dans le monde du travail a fait partout baisser le niveau, baisser les salaires et à terme détruit les institutions. L’université est en train d’en payer le prix. Elle est désormais désertée par les forces vives de la jeunesse qui préfèrent payer des écoles de commerce privées parfois hors de prix plutôt que d’être exposés à cet enseignement officiel  de la misandrie – cette crétinisation des esprits, comme disait très justement Annie Le Brun.

La conclusion est amusante : « Oui, ces femmes-là sont misogynes, puisqu’elles n’hésitent pas à charger leurs semblables ». Eh bien, si c’est ça la définition de la misogynie, É. V. est elle-même misogyne, puisque c’est précisément ce qu’elle vient de faire, charger ses semblables qui ont l’outrecuidance de ne pas penser comme elle… Elle va sans doute venir ensuite nous bassiner avec sa « sororité », ce concept niais tout droit sorti des sectes.

Ce qu’elle dit juste après ne me concerne pas, n’étant pas féministe : « Et non, quoi qu’elles en disent, elles ne sont pas féministes, car le féminisme consiste à s’attaquer à la domination masculine et à ceux qui travaillent à la maintenir à flot. » Lol ! Puis elle continue à délirer, comme si toute femme était nécessairement victime des hommes ou du pseudo-patriarcat, ou encore trop bête pour se rendre compte qu’elle se tirerait dans le pied : « De telles femmes, tant que le patriarcat n’aura pas été aboli, les féministes en trouveront sur leur route – puisqu’elles (et ils) font reculer les dominants, effrayant celles (et parfois ceux) qui n’ont pas compris où sont leurs intérêts. » Et encore et toujours le ouin-ouin sur les « dominants », les « machos »… Il n’y a pas à dire, ça vole haut, la réflexion dans le monde des études de genre…

Elle se pense entourée de guerrières « talentueuses, brillantes, courageuses » ; moi je vois surtout des parasites universitaires lobotomisé(e)s au conformisme affligeant, ne produisant plus que de l’écume. Comme l’écrivait rudement Camille Paglia : « Les grandes chercheuses (…) ont été formées par la discipline intellectuelle de la tradition masculine classique, et non pas par le sentimentalisme fadasse d’une indulgente sororité de pleure-misère, de laquelle n’a encore émergé aucun livre de premier ordre. Chaque année, les féministes fournissent de plus en plus de preuves pour soutenir la vieille accusation disant que les femmes ne peuvent ni penser ni écrire ».
[Camille Paglia, Femmes libres, hommes libres, Laval (Qc), 2019, p. 106].

[à suivre…]

  • Sur l’accusation bien pratique de misogynie, voir aussi :

  • Sur Simone de Beauvoir, tout aussi misogyne que féministe :
  • Pour une réfutation magistrale des thèses néoféministes d’Eliane Viennot :

Grinshpun-Szlamowicz: « La masculinisation de la langue française est une thèse farfelue ». Dans leur nouvelle revue, les linguistes Yana Grinshpun et Jean Szlamowicz critiquent les fondements théoriques de l’écriture inclusive.

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