[« Féminité toxique » ?] – Harcèlement scolaire : la part des filles

La tragédie qui fait l’actualité ces jours-ci, le meurtre prémédité de la petite Alisha, 14 ans, par un couple de jeunes barbares (un garçon dont on a vu la malheureuse mère à la TV et une fille dont on protège soigneusement l’identité), 15 ans tous les deux, jette une lumière crue sur le harcèlement scolaire et la part qu’y prennent les filles. Mais avec, comme toujours, un traitement différencié : on glose à n’en plus finir sur la toxicité des garçons, tout en prenant soin de balayer sous le tapis celle des filles. C’est le cas d’Anne-Liz Deba, brillante jeune femme qui parle très bien du harcèlement qu’elle a subi, mais qui curieusement, ne mentionne le sexe de ses harceleurs que pour parler d’un groupe de garçons en 3e. Son harcèlement a cependant commencé en 6e, puis s’est poursuivi en 5e, puis en 4e, etc., mais il ne s’agissait toujours que de « personnes » : à aucun moment, l’intervieweuse de BFMTV ne lui demande non plus de préciser le sexe de ses harceleurs. J’ai trouvé cela un peu curieux. Il est vrai que, au lendemain de la Journée de la Pleurnicherie Universelle, cela aurait fait un peu tache, après avoir été bien obligés d’ouvrir les journaux du 8 mars par les aveux du scandaleux mensonge de la collégienne qui a abouti à la décapitation de Samuel Paty, de poursuivre dès le lendemain en examinant l’implication d’une fille dans l’assassinat d’une autre fille ou sur la part féminine, non négligeable, du harcèlement scolaire.

Les filles sont aussi des harceleuses

Je vais commencer par mon témoignage personnel, puisqu’il se trouve qu’en classe de 5e (j’avais 11 ans), j’ai eu à subir des violences de ce type. Tout était parti d’une broutille sur le chemin du retour de l’école lorsqu’une fille, plus âgée que moi et inconnue (elle devait être dans une classe supérieure et de toutes façons, je ne connaissais personne, étant arrivée quelques mois plus tôt dans cette ville où mon père s’était fait muter pour un an) ; cette fille, donc, m’avait provoquée en me demandant de porter son cartable. J’avais refusé. Il s’en est alors suivi une traque qui a duré des semaines : au retour du collège et alors que je devais emprunter des sentiers de traverse dans un quartier en construction pour rentrer chez moi, elles me tombaient dessus en bande et nous nous battions à coups de poings, de pieds et de cheveux arrachés. Une fois, elles m’ont même capturée et entraînée dans un terrain vague, une sorte de no man’s land où elles m’ont bandé les yeux et attachée à une carcasse de landau. Je les entendais glousser et s’activer, puis j’ai senti une énorme brûlure sur mon visage : elles y faisaient couler de la cire fondue au moyen d’une bougie – on notera le raffinement, tout féminin, du supplice. Elles ont continué à rire puis sont parties en courant, me laissant me dépêtrer seule du landau et rentrer chez moi. C’est un souvenir brûlant et je n’ai aucun besoin d’une Muriel Salmona pour le faire remonter de ma mémoire. Bon, je m’en suis remise (j’ai quand même redoublé ma 5e ; je m’étais laissée couler en classe, pour diverses raisons, alors que j’étais jusque là une plutôt bonne élève) et peut-être en ai-je gardé la conviction, encore inconsciente à l’époque, que la « sororité » était une bonne blague – pour ne pas dire un tas de merde (je conchie vigoureusement ce concept, comme je l’écris régulièrement sur ce site).

De fait, mon histoire de harcèlement est tout à fait classique, puisqu’elle coche les cases les plus caractéristiques du genre : enfant isolé qui vient d’arriver dans un nouveau collège, petit côté intello, âge de 10-11 ans et surtout, du côté adverse, profil de la « cheftaine de bande », récurrent dans les témoignages.

Des années plus tard, j’ai vu mes propres enfants, une fille et un garçon, subir eux aussi des actes de harcèlement et de moqueries, tous deux vers l’âge de 10 ans ; actes impliquant aussi essentiellement des filles. Il va de soi que les garçons harcèlent aussi et je ne doute pas que ce soit un comportement partagé à égalité par les deux sexes – avec peut-être même une prévalence féminine, mais on ne le saura jamais, car on peut compter sur les féministes pour minimiser et occulter l’implication des filles… quand ce n’est pas la retourner complètement et prétendre que si elles sont harceleuses, c’est forcément de la faute des garçons ou du « patriarcat ». C’est faux, mon seul témoignage démontrant le contraire : il n’y a jamais eu le moindre garçon dans cette bande de pisseuses et je doute, vu leur niveau de violence, qu’elles les craignaient particulièrement. Il semble assez récurrent de toutes façons que les filles harcèlent majoritairement des filles et les garçons des garçons, le harcèlement scolaire étant une forme assez primitive de compétition intra-sexuelle. Je précise également que je n’en ai jamais parlé à mes parents et que mes propres enfants ne m’ont jamais raconté eux-mêmes ce qu’ils avaient vécu. Je sais donc à quel point il peut être difficile d’en parler à ses ascendants.

Comme le montre cette fiche sur la forme plus contemporaine de cyber-harcèlement, la parité y est également respectée : les victimes sont autant des hommes que des femmes, tous âges confondus (49% des victimes de cyber-harcèlement sont des hommes, 51% sont des femmes).

La réalité du harcèlement féminin

Le sujet du harcèlement féminin est évoqué au détour d’un paragraphe dans cet article, « Différences entre les sexes : Darwin avait raison » (Le Point, 12 juin 2019) et j’espère que c’est un sujet qui sera amené à être exploré plus avant, malgré la doxa féministe victimaire : « Autre exemple de différence marquée : les troubles mentaux comme la dépression et l’anxiété, qui touchent en moyenne deux fois plus les femmes que les hommes. Les travaux analysés par Archer révèlent un lien avec l’importance accrue que les relations sociales revêtent pour les femmes. À l’adolescence, la dépression est aussi corrélée à l’agression indirecte (ragots, médisances, ostracisation), dont font davantage usage (et sont davantage victimes) les femmes ». J’avais vu passer il y a un an ou deux ans un article d’un journal canadien sur ce phénomène du harcèlement féminin, mais impossible de le retrouver (si quelqu’un le connaît, merci de me le signaler 😉 ).

« Quand c’est une fille qui harcèle une autre fille, c’est forcément qu’elle est victime du patriarcat » (ben voyons)

C’est pourtant l’angle souvent retenu pour relater ces affaires : « En primaire, j’ai frappé une fille de mon école pendant un an », se souvient Emma, qui travaille aujourd’hui dans la haute couture. « Je l’injuriais, je la bousculais, je lui donnais des claques. Elle était toute petite, elle avait de l’argent, des fringues de marque. Cela a suffit pour faire d’elle mon défouloir ».  Et l’article de tout mettre quand même sur le dos du père d’Emma: « Son père est parti, la laissant seule avec sa mère et son grand frère. Les temps sont durs : l’argent manque, la maman, souvent absente, travaille beaucoup, et Emma s’enfonce dans la dépression, sans que personne ne s’en aperçoive. » Ben oui, une fille ne peut pas être foncièrement méchante, sa nature étant le bien par définition. Sauf que ce n’est pas aussi simple que cela.

Une autre fille témoigne avec honnêteté que son comportement de harceleuse était seulement lié à sa personnalité dominante et très sûre d’elle : « Je chantonnais aussi à tue-tête au milieu de la cour un chant raciste à l’intention de mon camarade Mohammed… En CM2, j’ai pris le soin de voler l’amoureux de ma meilleure amie. Pour passer le temps, je liguais mes copines les unes contre les autres. (…) J’ai aussi, pour le plaisir, giflé si fort Louis, un amoureux, que ses lunettes en sont tombées de son nez en pleine classe. Là, l’enseignante m’avait remise à ma place. Toutes ces choses, je les ai faites juste pour le fun. Harceler était mon hobby. Et même quand une amie m’a dit qu’une de mes cibles pleurait la nuit à cause de mes remarques, je n’ai pas changé de comportement ». Le « patriarcat » a bon dos…

Autre exemple, dans cet article : « Ma fille est accusée de harcèlement scolaire », où l’on a affaire à une famille parfaitement équilibrée, avec la présence d’un père. La gamine harceleuse, 10 ans, explique : « J’avais l’impression que Marie allait me voler Suzanne, alors j’ai pensé que le plus simple c’était de l’éloigner de la bande. » Marie termine à l’hôpital, complètement détruite pour de banales histoires de jalousie et de possessivité, comme c’est hélas fréquent chez les filles. Filles que l’on retrouve encore dans l’exemple tragique relaté par la mère : « À la télé, les reportages passent en boucle avec le témoignage poignant de cette mère qui a créé une association parce que sa fille Margot s’est pendue après avoir été moquée pendant des mois dans son école par sa rivale, à la tête d’une bande de trois harceleuses. » 

Et c’est en effet une réalité bien connue, y compris des tribunaux : « Harcèlement scolaire : « Elles lui ont écrit qu’elles allaient la tuer », et de fait, les deux collégiennes de 11 ans sont mises en examen : « tout s’est passé dans l’enceinte d’un collège mosellan, dans une classe de sixième, à l’intérieur d’un groupe de filles qui n’a pas accepté l’arrivée d’une élève qu’elles ne connaissaient pas ». Tout simplement. Les témoignages de harcèlement féminin ont beau être légion sur internet (« Enjoy Phoenix : ses harceleuses refusent de s’excuser » ; « La réponse parfaite d’une petite fille à ses harceleuses »; « Harcelée au collège, Élisa, 15 ans, souffre d’anorexie : « J’ai failli y passer »: « Mes amies, qui n’étaient en fait pas mes amies, passaient leur temps à me dire que j’avais un physique disgracieux, que j’étais grosse, que je ne trouverais jamais de petit copain », raconte la jeune fille », etc., malgré tout, rares sont ceux qui osent vraiment travailler le sujet.

À ma grande surprise, MadMoiZelle livre un article plutôt objectif sur le sujet, ses auteurs n’ayant pu trouver, malgré tous leurs efforts, le moindre angle pour blâmer le patriarcat : « Harcèlement scolaire : parole aux ‘harceleuses' » (elles ont quand même mis des guillemets à « harceleuses », tant c’est une réalité difficile à accepter pour elles). Mais la neutralité de l’article est d’autant plus appréciable que cette production « scientifique » (« Harceleurs et harcelés : des expressions du mal-être différentes », 2016) fait pour sa part une conclusion nettement plus polluée par les études de genre et qui a va à l’opposé de leurs propres chiffres. Alors que ceux-ci montrent que les garçons sont davantage victimes de harcèlement que les filles, ils concluent quand même que ce sont ces dernières qu’il faut davantage protéger, même quand elles sont harceleuses… Il y a donc encore du boulot…

[à suivre…]

  • Voir aussi :

=> Sur les nouvelles formes de harcèlement – notamment le cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux –, une fiche d’infirmation à lire et diffuser : Le cyber-harcèlement : le prolongement du harcèlement scolaire (8/11/20)

=> Un guide complet de comportement en ligne destiné à une population particulièrement visée par le cyber-harcèlement : celle qui est porteuse du Trouble du Spectre Autistique (TSA), et notamment les Asperger, souvent désarmés face à la manipulation et la méchanceté : Troubles du spectre autistique : guide de sécurité en ligne (09/07/21)

. Peggy Sastre – Conflans, Argenteuil : deux cas de « féminité toxique » (Le Point, 12/03/21)

2 réponses sur “[« Féminité toxique » ?] – Harcèlement scolaire : la part des filles”

  1. Bonjour. Oui, il est certain que la violence est aussi féminine et n’a pas d’âge pour s’exprimer.
    J’ai connu peu d’amitiés dans mon enfance mais je me rappelle bien que les amitiés féminines étaient le plus souvent exclusives et que certaines filles n’hésitaient pas à menacer leurs amies si elles osaient parler à une fille déclarée ennemie.

    Bien plus tard, vers ving ans, une fille vue une seule fois avait réussi à se procurer mon numéro chez une bonne amie afin de faire un chaos entre nous. Elle avait habilement usé de faits plausibles me concernant / la concernant ( un peu comme le font les « voyantes » ) afin de convaincre cette amie de ma traîtrise. Cette amie m’avait appelée sous le choc des propos soi-disant receuillis par cette fille « bienveillante ».

    Je n’imagine pas un homme procéder ainsi.

    Je n’ai pas eu à subir d’insultes ni de ragots des autres filles de la classe mais j’imagine que ça tient au fait que j’avais peu de vie sociale ni d’attraits physiques. D’autres filles m’ont rapporté avoir été victimes de ragots visant à briser leur respectabilité, morale notemment. Ce qui se recoupe bien avec la course à la meilleure place ou l’instinct pousse a éliminer celles perçues comme des rivales.

    J’ai constaté d’avantage de violence physique entre les garçons, mais il semblait que leurs rapports soient plus détendus, moins exigeants
    moins rancuniers et plus larges que ceux des filles.

    Moi-même ai usé de violence physique envers des filles, excédée qu’elles déchirent mes devoirs (au prétexte que je les faisais dans l’heure précédent les cours)

    Aujourd’hui, je me demande si le fait que traditionnellement, on attend des filles qu’elles se contiennent tiendrait au fait qu’elles soient dominées par l’émotion, plus que par adéquation avec leur supposée nature acceuillante. De nombreux auteurs décrivaient les femmes comme des « boules viscérales » d’émotions amorales et d’envie.

    Il y a quelques mois, après avoir lu un article concernant une jeune femme rescapée d’une agression d’amies particulièrement vicieuse, j’ai fouillé dans les commentaires afin de voir si certains sauraient expliquer cette violence sadique. Et là j’ai vu que certaines, et pas certains déclaraient que c’était la jalousie qui avait déclenché cette violence. La spontanéité de ces commentaires brefs peut laisser penser que oui, c’est alors un trait typique de l’agressivité féminine. (sans exclure bien-sûr qu’elle puisse avoir son mode masculin)

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