C’est une fois de plus en voyant défiler les élucubrations de France Culture que j’ai été alertée par cette énième tentative d’appropriation et de dénaturation de la culture classique par l’armée des féministes idéologiques et des demi-savants qui leur font la courte échelle avec nos deniers.
Au milieu de leurs sempiternelles relectures mensongères de la mythologie des sorcières, après leurs éloges du panafricanisme de Cheick Anta Diop ou leur assimilation de la sculpture grecque à du suprémacisme blanc de type nazi, voici que les génies de France Sculpture s’en prennent à la sculpture du XIIe siècle, affirmant y voir l’apologie du transgenrisme :
« Avant de devenir une sainte, Eugénie s’était fait couper les cheveux et avait pris le nom d’Eugène, pour pouvoir rejoindre une troupe de moines musiciens et partager leur vie », peut-on lire en introduction.
Bon, en réalité elle intègre, non pas « une troupe de moines musiciens », mais un monastère de cénobites dans l’Égypte du IIIe siècle – l’action se déroulant dans la campagne d’Alexandrie. Les cénobites égyptiens n’étaient pas de gais lurons jouant du oud sur les routes comme dans Kaamelott, mais d’austères reclus vivant chacun comme un ermite dans sa cellule – mais peu importe, puisque l’histoire est légendaire et qu’il n’y avait de toutes façons pas de cénobites en Égypte avant le IVe siècle.
« Il s’agit d’une représentation sculptée d’une scène rappelant l’histoire de Sainte-Eugénie, une vierge qui subit le martyre à Rome en 257, du temps de l’empereur Valérien ».
D’accord, mais on écrit sainte Eugénie. « Sainte-Eugénie » désigne un monument ou un lieu portant ce nom, « sainte Eugénie » désigne la sainte elle-même – mais on ne va pas chipoter pour ça non plus, ce n’est pas le plus grave (même si je suis un peu décidée à ne plus rien laisser passer).
« Lorsque l’on se promène dans la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, on aperçoit, dans le bas-côté nord, un chapiteau où l’on voit un homme qui montre ses seins », nous apprend alors l’orateur de France Cul, tout émoustillé.
Sauf que oui, mais non : ce n’est pas un homme, c’est une femme. Et elle est justement en train de le prouver au juge par l’exhibition de ses seins – ce qui est entendu comme étant une preuve définitive. C’est d’ailleurs le sens même de cet épisode, choisi ici comme point focal de toute la légende de sainte Eugénie : démontrer de manière irréfutable qu’elle est une femme et rien d’autre, la biologie faisant loi. C’est aussi ce qui lui vaut la vie sauve lors de cet épisode, puis d’être vénérée comme une authentique vierge du Christ dans la chrétienté orientale comme occidentale.
De plus, de toute sa légende, jamais Eugénie ne s’est crue un homme ; elle s’est seulement travestie en homme pour pouvoir intégrer la vie religieuse, dans un contexte où il n’existait tout simplement pas de couvents de nonnes chrétiennes – sa légende nous fait comprendre d’emblée qu’elle n’avait pas d’autre solution pour pouvoir entrer dans ce monastère, pour lequel elle avait eu un coup de foudre en passant sur la route. Une femme déguisée ou travestie en homme par la force des circonstances – ou pour x raisons – ne devient pas un homme mais reste une femme déguisée en homme. Si moi, je me déguise en panthère rose ou en Merlin l’Enchanteur parce que je n’ai pas d’autre choix, je ne deviens pas un personnage de dessin animé ou un druide mythique, je reste une femme déguisée en panthère rose ou en druide pour les besoins de ma cause, et c’est tout.
Je veux bien qu’on change de sexe, qu’on transitionne, détransitionne ou retransitionne, ce n’est pas la question ; le problème est ici qu’on ne peut pas, pour pousser son militantisme, récrire entièrement l’histoire, déformer les faits ou surinterpréter les sources pour imposer une vision qui ne repose au final sur rien. C’est pourquoi j’ai décidé de faire un point sur cette affaire, d’autant que la légende et les images de sainte Eugénie ne disent justement rien d’autre : Eugénie est une femme qui modifie son apparence par contrainte et pour les besoins de sa cause ; elle n’est pas une militante queer avant l’heure et ceux qui ont sculpté le chapiteau de Vézelay ne l’étaient pas non plus, n’en déplaise au matraquage obsessionnel des idéologues du genre.
Après avoir rappelé la légende de cette « figure transgenre sculptée », G. Noiriel glose doctement sur le « transidentarisme » de cette « assignée femme », plaquant sur la pauvre Eugénie le verbiage totalement anachronique du féminisme militant – en réalité recopié servilement dans un article de Chloé-Clovis Maillet (« Des seins de moine à Vézelay. Eugène-Eugénie, nouvelle image transgenre au XIIe siècle », 2018) ; ce qui permet au passage de prendre la mesure de l’étendue des dégâts au sein de l’université française.
De quoi parle-t-on ? Le chapiteau de Vézelay
On parle ici d’un chapiteau situé dans la nef de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, réalisé entre 1120 et 1140 par un ou des sculpteurs restés anonymes :
La scène nous fait voir trois protagonistes. À gauche pour le spectateur, Mélancie, la femme accusatrice qui pointe son index droit surdimensionné vers le personnage central, Eugénie, qu’elle accuse à tort de tentative de viol (je vais y revenir, car c’est tout à la fois un archétype du féminin et un angle mort de la vision borgne féministe).
Au centre, sainte Eugénie obligée, après avoir espéré en vain que les proches de Mélancie la disculpent, d’en arriver à cette extrémité pour sauver sa vie mais surtout pour faire éclater la vérité, à savoir prouver qu’elle est une femme et que les accusations de viol étaient infondées – on sait pourtant que les femmes peuvent violer, mais nous sommes dans une culture où on ne l’envisageait pas. Elle fait donc le geste d’écarter son vêtement pour montrer ses seins de femme. Elle ne se dépoitraille pas totalement sur ce chapiteau ; elle en esquisse seulement le geste car nous sommes dans un lieu consacré et que sa nudité, exposée pour une juste cause, doit rester celle d’une vierge pudique : ce n’est ni Ève la pécheresse, ni la personnification de la Luxure.
Peut-être pour que le visiteur comprenne encore mieux qu’il s’agit bien d’une femme, malgré la tonsure masculine imposée par sa vocation monastique, le sculpteur a-t-il rajouté une fente verticale sous les seins, une manière allusive (car le chapiteau est situé seulement à trois travées de la croisée du transept et donc du sanctuaire) d’évoquer son sexe féminin anatomique – Eugénie n’allait quand même pas écarter les cuisses ici comme une vulgaire Sheela Na Gig. De cette manière, le message aurait pu passer fermement mais subtilement. Cette fente n’est cependant pas tellement visible en situation locale et il ne faut sans doute pas la surinterpréter. Si l’on regarde la scène par le coté, Eugénie semble avoir des cheveux et la fente n’apparaît plus. On ajoutera que si on regarde le chapiteau d’en dessous et qu’on est petit, la tonsure romaine (le crâne seul est rasé) est beaucoup moins visible; ce qui pourrait rendre l’aspect masculin d’Eugénie plus fragile qu’il n’y paraît. Cependant, la longueur de sa bure de moine, plus courte que la robe de Mélancie, en fait indiscutablement un vêtement masculin : on est donc bien devant une femme déguisée en moine.
À droite pour le spectateur, est figuré le père d’Eugénie, Philippe, gouverneur de l’Égypte devenu entretemps juge, qui croyait sa fille disparue ou décédée depuis longtemps et qui la reconnaît avec stupeur lorsque celle-ci se dévoile – il y a une apparente incohérence romanesque, puisqu’on ne voit pas très bien pourquoi un père reconnaîtrait sa fille adulte uniquement à ses organes sexuels secondaires. La légende a cependant besoin de souligner fortement l’inscription biologique du sexe : ce n’est que par leur monstration concrète et publique qu’il peut être convaincu face à la foule, sans pouvoir se dérober, d’être le géniteur biologique de cette femme. Il peut alors la disculper et lui sauver la vie. Comme le dit la version latine de la légende, juste après qu’elle ait arraché son vêtement et dévoilé ses attributs : « Et aussitôt, elle dit au préfet : Toi, selon la chair, tu es mon père » (PL 73, 614). La main droite levée de Philippe signifie tout à la fois sa surprise et son acceptation. Le calcaire de sa main fait apparaître des lacunes et on remarque sur les trois personnages les traces d’une polychromie disparue – il faut rappeler que la sculpture médiévale était (presque) entièrement peinte de couleurs vives, ce qui pouvait aider à la compréhension du message et de sa symbolique.
Eugénie est en position centrale mais elle n’est pas figurée de face ; c’est avec son père seul qu’elle interagit. Sa tonsure de moine est fortement soulignée car le visiteur doit pouvoir identifier du premier coup d’œil Eugénie, la vierge qui s’est fait passer pour un moine – mais pour la bonne cause. Cette tonsure n’est pas seulement un attribut masculin, comme de simples cheveux courts (même si la longueur des cheveux masculins a beaucoup varié selon les époques), elle a aussi une valeur spirituelle. Elle rappelle que le moine a quitté son père et sa mère pour suivre le Christ dans le règne de l’esprit et que, par sa prise d’habit et ses vœux (notamment de chasteté), il se situe d’emblée au-delà de la différence des sexes et des questions de genre. Les élucubrations sur la transexualité d’un moine sont de fait sans objet puisque, de par son statut, il est un être asexué voué exclusivement à la contemplation et au service divin, dans l’anticipation du royaume céleste.
Les seins d’Eugénie ne sont pas naturalistes sur cette sculpture, ce qui ne doit pas être surinterprété non plus. Contrairement à ce qu’écrit C. Maillet (« le dévoilement de la poitrine sur un corps tout à fait masculin y donnant à voir une image ambivalente contrastée », etc.), le corps d’Eugénie n’est pas ici « tout à fait masculin ». À l’époque romane, à quelques exceptions près, comme la célèbre Ève d’Autun, les seins ne sont jamais naturalistes ou érotiques, mais toujours stylisés. Il ne faut donc rien projeter sur l’apparence de ces seins – d’autant que le texte de la légende, certainement connu des sculpteurs et des moines de Vézelay, puisque intégré dans des sermons de Noël au XIIe siècle, laisse clairement entendre qu’il s’agit d’une poitrine purement féminine et en rien d’un torse masculin (voir plus bas).
Une palme, pouvant évoquer son martyre quelques années plus tard, apparaît au-dessus de la tête d’Eugénie. L’image semble donc un condensé de ce qu’il faut retenir en circulant plus ou moins rapidement devant le chapiteau : c’est la sainte martyre Eugénie, celle qui s’est fait passer pour un homme mais a su faire valoir la vérité quant à son sexe et sa probité et qui, grâce à cela, a gagné le ciel. Les images dans les églises byzantines étaient encore plus synthétiques : Eugénie apparaissait comme une jeune femme portant les attributs de la virginité (le voile), de la sainteté (le nimbe) et du martyre (une couronne à Ravenne ou la petite croix que les martyrs byzantins tiennent habituellement dans la main à Osios Loukas).
La légende de sainte Eugénie : Eugénie est une femme
La légende d’Eugénie pourrait provenir de l’Égypte copte, peut-être d’Alexandrie. Probablement rédigée en grec, ses plus anciennes formes connues sont une version en arménien très détaillée, suivie de deux autres en latin puis en grec un peu plus concises, s’échelonnant entre le IVe et le VIe siècles. La vie de la sainte a circulé en Occident dans deux versions latines principales, dont l’une sous le nom de Rufin d’Aquilée (PL 21, 1105-1122) et une autre anonyme (PL 73, 605-20) ; avant d’être reprise au XIIe siècle dans le Speculum ecclesiae d’Honorius Augustodunensis (PL 172, 819-20), dans un manuscrit en francoprovençal réalisé à Lyon au XIIIe siècle (Paris, B.N. fr. 818), ou encore dans la version de Jacques de Voragine (XIIIe siècle), que l’on peut lire ici en français.
Dans cette version largement diffusée, qui donne donc une bonne idée de la manière dont l’histoire était perçue, Voragine nous raconte qu’avant sa conversion, Eugénie, fille du préfet d’Alexandrie, « avait atteint la perfection dans la science des lettres et des arts libéraux », au même titre que ses deux serviteurs, Prothe et Hyacinthe. Il faut donc relever que l’éducation des femmes était bien une réalité en ces temps reculés – ce que les féministes feignent toujours d’ignorer. Pas toutes les femmes, certes, mais pas tous les hommes non plus, loin s’en faut !
Eugénie, se rendant dans une maison de campagne, entend des chrétiens chanter le psaume 95, « Tous les dieux des nations sont des démons, mais le Seigneur est le créateur des cieux » et suite à cela, émerveillée, convainc ses deux serviteurs de se faire moines avec elle afin de suivre le Christ : « Elle prend alors des habits d’homme, et vient au monastère dont le chef Hélénus ne permettait l’entrée à aucune femme ». On voit bien ici que c’est uniquement par obligation et par vocation religieuse qu’elle opte pour ce stratagème et que s’il s’était agi d’un monastère double, elle y serait entrée en tant que femme.
Mais Eugénie est une future sainte et une amoureuse de la vérité; elle ne peut donc vivre dans la tromperie en mystifiant un abbé, futur saint lui aussi : « Or, Eugénie s’étant présentée à Hélénus et ayant dit qu’elle était un homme : ‘Tu as raison, lui répondit Hélénus, de te dire homme, car bien que tu sois une femme, tu te comportes comme un homme’. Dieu en effet lui avait révélé son sexe », écrit Voragine. Hélénus fait donc montre d’une grande ouverture d’esprit et d’une grande tolérance; non pas parce que c’était un militant de la transidentité avant l’heure, mais par vocation chrétienne : il était simplement sensible à l’ardeur de la foi d’Eugénie, sachant pertinemment qu’elle était une femme. On notera bien sûr la petite touche de sexisme, si Hélénus considère que se compoter comme un homme est supérieur à se comporter comme une femme (ce qu’il ne dit pas cependant). En tout cas, pour sauver la vie d’Eugénie et la garder chez lui, il ne pratiquera pas sur elle l’ordalie, comme il a coutume de le faire pour démasquer les faussaires.
Grâce à son comportement exemplaire, Eugénie devient abbé du monastère et procède à des guérisons miraculeuses. Mélancie, une femme noble qu’elle a guérie, la prenant pour un homme, en tombe amoureuse et lui fait des avances sexuelles agressives : « En voyant sa bonne grâce, sa jeunesse et la beauté de son extérieur, elle brûla d’amour pour lui et se tourmenta l’esprit pour trouver le moyen d’avoir commerce ensemble. Alors feignant une maladie, elle envoya le prier de venir chez elle pour la voir. Quand il fut arrivé, elle lui déclara comment elle était éprise d’amour pour lui, elle lui exposa ses désirs et le pria d’avoir commerce avec elle. Aussitôt elle le saisit, l’embrasse, le baise et l’exhorte à commettre le crime ».
Eugénie la repousse fermement, alors, « Mélancie se voyant déçue, dans la crainte qu’Eugène ne publiât le crime, voulut le découvrir la première et se mit à crier qu’Eugène a voulu la violer. Elle alla trouver le préfet Philippe et elle porta plainte en ces termes : « Un jeune homme perfide qui se dit chrétien est venu chez moi pour me guérir ; il entre, se jette sur moi et veut me faire violence : si je n’avais été délivrée par le moyen d’une servante qui était dans l’intérieur de ma chambre, il m’eût fait partager sa débauche. » C’est fabuleux, la technique n’a donc pas vieilli d’un sou ; c’est exactement ce qu’avait fait Artemisia Gentileschi au XVIIe siècle ou ce que font encore aujourd’hui nos féministes évincées ou nos adeptes de #MeToo !
Mélancie apparaît comme menteuse et manipulatrice, car elle oblige ensuite sa servante à dire comme elle lors du procès, au grand dam de la pauvre Eugénie. La servante « fut amenée, et comme elle avait été endoctrinée par sa maîtresse, elle ne cessait de prétendre contre Eugène qu’il avait voulu violer sa dame. Tous les gens de la maison, qui avaient été également corrompus, attestaient qu’il en était ainsi ». Eugénie n’a donc plus le choix : « ‘Afin que la vérité l’emporte et que la sagesse triomphe de la malice, je démontrerai la vérité sans être mue par la vanité mais par la gloire de Dieu’. En disant ces mots, elle déchira sa tunique depuis sa tète jusqu’à la ceinture, et alors on vit qu’elle était une femme ».
La femme qu’elle n’avait jamais cessé d’être, évidemment ; c’est ce que tout le monde comprend en entendant la légende. La version latine de Voragine donne « Et femina apparuit » (« et la femme apparut ») et celle d’Honorius : « et apparuit principis filia » (« Et la fille du prince apparut »). Alors le père, « qui commençait à reconnaître sa fille, se jeta dans ses bras pour l’embrasser ainsi que la mère, en versant un torrent de larmes. Eugénie est aussitôt revêtue de ses habits couverts d’or et portée aux nues. Le feu du ciel tomba sur Mélancie et la consuma avec les siens ». Eugénie retrouve alors sa famille puis, rentrée à Rome avec les siens qu’elle a convertis, elle y subira quelques années plus tard le martyre avec son père ainsi que ses deux serviteurs le 25 décembre ; d’où l’inclusion de sa fête au moment des célébrations de Noël.
Les femmes habillées en moines dans la culture chrétienne
Ce n’est certainement pas du côté du transgenrisme et de ses post-vérités à dormir debout qu’il faut chercher pour expliquer ce phénomène, mais plutôt du côté de l’histoire du monachisme. Et il existe deux concepts, justement, dont nos expert(e)s en idéologie du genre ne parlent pas du tout : la monachoparthénie d’une part et le syneisaktisme d’autre part, deux pratiques appartenant à l’histoire du monachisme ancien, qui éclairent pourtant les fondements de ces légendes et l’intérêt qu’elles ont pu susciter à l’époque romane.
Car la légende d’Eugénie n’est qu’un exemple parmi d’autres, formé sur la légende de sainte Thècle, probable modèle de toutes les autres. On connaît également la légende de sainte Athanasie ou celle d’Euphrosyne la Jeune de Constantinople. Ces légendes de vierges radicales déguisées en hommes – toujours pour protéger leur virginité afin de devenir des épouses du Christ dans la vie éternelle – ont circulé dans des versions grecques, coptes, syriaques, éthiopiennes et même arabes, entre le Ve et le VIIe siècles.
Parmi les explications proposées à cette trame littéraire, l’hypothèse voulant que ce soit un moyen de « transcender la féminité », souvent rapportée à une « nature inférieure, peu douée pour la spiritualité », qui trouvait là, « selon les Pères de l’Église, le seul moyen pour les femmes de trouver le salut de leur âme », semble une des plus raisonnables (J. Albani). Ce n’est pas parce qu’elle laisse transparaître de la misogynie qu’elle doit être entièrement repoussée.
Je pense pour ma part qu’il s’agit encore plus simplement d’une apologie de la chasteté et de la virginité féminines, puisque dans la légende primitive, Eugénie rejette le mariage que lui propose son père : « Or, un jour, son père lui demanda si elle accepterait d’épouser Aquilinus, un consul. Eugénie répondit à son père : ‘L’honneur de la chasteté est un choix plus digne que le mariage’. Mais ils s’efforcèrent de séduire sa sainte âme par toutes sortes de promesses et de ruses ». On notera que nous sommes dans une culture où on ne pratique pas les mariages forcés : la famille essaie de la convaincre comme elle le peut et lui demande même son avis.
Quant à la légende d’Eugénie, elle a elle-même servi de fondement au Roman de Silence, un roman français en vers de la première moitié du XIIIe siècle qui en reprend plusieurs aspects. Ce sont donc des thèmes qui, bien que rares, ne sont pas exceptionnels. Dans le Roman de Silence, les parents, Cador et Eufémie (nom inspiré par la légende d’Eugénie) décident d’élever leur fille Silence comme un garçon, qu’ils rebaptisent Silentius, parce que le roi Ebain interdit l’héritage féminin. Ici encore, c’est donc par contrainte, pour contrecarrer des lois inégalitaires, qu’ils décident d’un changement de « genre » ; il ne s’agit en rien d’une famille progressiste ou gender feminist avant l’heure, ils veulent seulement garantir la transmission de leurs biens matériels !
On retrouve la même trame romanesque : après que ses tentatives répétées de séduction ont été repoussées, la reine du pays accuse Silentius de lui avoir fait des avances fâcheuses. Le dénouement aussi est similaire, Silentius se dénude pour montrer sa vraie nature et tout se termine bien pour elle ; la reine luxurieuse est exécutée et Silence épouse le roi. Il faut relever qu’à chaque fois, le travestissement est justifié par les circonstances et pris en bonne part, et qu’il est même ce qui mène son héroïne à l’absolution voire à la sainteté – preuve que les esprits étaient plutôt ouverts. Mais évidemment, l’hétérosexualité la plus basique l’emporte toujours à la fin ; je ne comprends vraiment pas comment font les queers pour systématiquement interpréter exactement le contraire de ce qu’ils ont sous leurs yeux…
La monachoparthénie, le ressort littéraire de ces légendes hagiographiques grecques, signifie qu’une femme déguisée en moine vit incognito dans un monastère d’hommes – en grec, le préfixe monacho signifie « moine » et le radical parthenos « vierge » (en français : « vierges-moines »). Il s’agirait d’un ressort littéraire appartenant spécifiquement à la première période byzantine (IVe-VIe siècles), où ces motifs empruntés à l’ascèse gnostique (des sectes proto-chrétiennes présentes notamment en Égypte) ont eu un certain succès avant de disparaître quasi complètement, une fois le christianisme apaisé. En mettant en scène des femmes cherchant à fuir, nier ou abolir totalement leur condition féminine, le motif exprimait une condamnation radicale de la chair, possiblement influencée par les milieux monophysites (une doctrine chrétienne du Ve siècle rejetant la nature humaine du Christ). Ces femmes, par leur comportement ascétique extrême, témoignaient d’une « négation fondamentale de la féminité » en vue d’une « évasion spirituelle hors de la condition native », ainsi qu’une certaine « utopie gnostique » en lien avec le « mythe philosophique et gnostique d’un principe créateur au sein duquel les sexes étaient réunis » (É. Patlagean). Des éléments qui apparaissent aujourd’hui comme autant de précédents frappants à l’utopie transidentitaire féministe contemporaine.
Bien qu’il s’agisse d’un thème littéraire – donc témoignant d’une vision masculine de la virginité –, il n’est pas à exclure que la monachoparthénie ait été réellement pratiquée dans les débuts du christianisme oriental, puisque le Code de Théodose (en 435) prend la peine d’interdire la tonsure féminine. Un peu plus tôt, le concile de Gangra (en 341) interdisait aux femmes de porter des vêtements d’homme (canon 13) et de se couper les cheveux (canon 17). Ce seraient les interdits patristiques qui auraient poussé les femmes de ces hautes époques à se déguiser en moines pour fuir le mariage et protéger leur virginité en entrant dans les ordres – et aucunement le seul rêve de transitionner par militantisme queer inconscient. Dans le christianisme latin, le thème n’existe pas, à l’exception d’Hildegonde de Schönau (XIIe siècle) qui, suite à un pèlerinage risqué en Orient, aurait intégré un monastère d’hommes et à partir de laquelle les transactivistes universitaires sont en roue libre.
La pratique pourrait aussi avoir perduré sous une forme dérivée, le syneisaktisme. Ce mot compliqué signifie simplement « une forme d’ascèse consistant en la cohabitation chaste avec une personne de sexe différent ». On rencontre justement le syneisaktisme au XIIe siècle, donc à l’époque et pas très loin de Vézelay, en la personne de Robert d’Arbrissel, l’ermite fondateur de Fontevraud, auquel on reprochait de « se coucher auprès de femmes la nuit pour surmonter ses désirs de chair ». À Fontevraud, Robert « se permet d’aller dans le cloître des femmes et de passer encore des nuits auprès de certaines d’entre elles. Il s’adonne à ces pratiques non pas auprès des femmes nobles, nombreuses au sein de la communauté, mais auprès des anciennes prostituées qui l’ont suivi lors de ses déplacements avant de se fixer à Fontevraud ». Sacré Robert !
Dans le contexte des réformes monastiques du temps, en France comme dans les régions germaniques, le chapiteau de Vézelay pourrait donc simplement avoir intéressé des moines et des pèlerins confrontés à des affaires de cohabitation des sexes ou de tentation sexuelle, en particulier dans les monastères doubles qui fleurissaient à cette époque.
Eugénie dans l’art : femme ou transgenre ?
La plupart du temps, Eugénie est une femme à 100% dans ses représentations, y compris dans la scène du procès où elle se dénude. Il en va de même pour l’unique illustration du thème dans le Roman de Silence, dans le manuscrit conservé à Nottingham, où Silence apparait entièrement nue avec un corps de femme. Comme l’écrit K. Ambrose à ce sujet (je traduis) : « L’affichage du nu féminin dans la miniature pourrait donc représenter le triomphe ultime des arguments de la nature dans le poème. Le mariage de Silence et Ebain peu de temps après le procès affirme également les rôles de genre traditionnels ». Vouloir à tout prix faire dire autre chose à ces images ne ressortit qu’à l’obsession idéologique du genre.
Pour ce qui est de l’art médiéval, Eugénie est figurée exclusivement en femme dans plusieurs manuscrits de l’époque gothique. Un témoin intéressant est par exemple le manuscrit du XIIIe siècle BnF français 818 qui figure, de manière exceptionnelle, Eugénie accompagnée de ses deux eunuques, Hyacinthe et Prothe, demandant à entrer au monastère. Les cinq moines qui l’accueillent sont tonsurés et portent l’habit monastique ; Eugénie est la seule sur la miniature habillée en femme ! Entourée de ses deux damoiseaux, dont celui à sa gauche est distinctement un jeune homme portant un vêtement court et une barbe, Eugénie se distingue par son vêtement long, son nimbe et ses cheveux longs. C’est donc bien une jeune femme parfaitement sexuée que l’on voit être accueillie par les moines, au terme d’un échange verbal soutenu (indiqué par les gestes des mains).
On voit donc ici que même dans l’épisode où Eugénie est censée se présenter déguisée en homme et tondue (le texte rappelle bien, folio 248v, qu’elle a pris la décision de tondre ses cheveux), l’enlumineur a délibérément ignoré les particularités de sa légende et l’a représentée en jeune femme, utilisant simplement le même carton que pour sainte Eulalie trois folios plus haut – celle-ci porte exactement le même vêtement rouge et a les mêmes traits (folio 245v). Comme il en va de même dans la quasi totalité des représentations d’Eugénie, il faut se rendre à l’évidence : personne n’a jamais pris cette sainte pour un homme, et il faut donc accepter de ne pas tirer de théories générales (pour ne pas dire farfelues) à partir de cas isolés montés en épingle et surinterprétés dans les grandes largeurs.
« Toutes les images avant Vézelay, écrit C. Maillet, la montraient ayant recouvré son identité féminine après le procès ». Justement non, le Menologion de Basile II (Bibl. Apost. Vatic. Vat. Grec 1613, folio 270, fin du Xe siècle) figure Eugénie en homme lors de sa décapitation – mais il s’agit encore une fois d’un unicum à partir duquel on on peut tirer aucune conclusion générale quant à l’affirmation des Queer dans la société byzantine – l’interprétation de l’iconographie byzantine ne s’improvisant pas non plus entre deux réunions en groupe non mixte à pleurer sur le « patriarcat ».
Eugénie n’est pas un homme mais une vierge radicale
Dans son article, C. Maillet écrit qu’Eugénie est un père du désert, tout en mettant des guillemets à femme : « Il reste toutefois qu’elle serait la seule « femme » père du désert ». Et : « Au milieu de cette série d’hommes du désert, isolé·e et seul·e saint·e de l’église, il ne peut d’un point de vue hagiographique être considéré comme une femme », continue-t-iel.
Ah bon. Plus de dix siècles d’hagiographie chrétienne, du IVe au XVe siècle, pour rester dans les temps médiévaux, se seraient donc entièrement trompés en célébrant Eugénie comme une vierge martyre, car ce serait un homme ! C’est ballot, puisque même l’auteur de la légende primitive, au Ve siècle, quand il raconte son histoire, n’a de cesse de répéter qu’Eugénie est une jeune femme très séduisante !
Ce texte de la première version en arménien, très détaillée, est traduit ici en anglais. Je mets en français le passage où Eugénie, juste avant de se dénuder, explique pourquoi elle s’est habillée en homme – et l’on peut voir qu’il n’y a rien qui puisse évoquer une envie réelle de changer de sexe :
« XV. Car je révélerai à tous ce que j’ai caché en mon sein. Car je suis une femme par le sexe, et parce que je ne pouvais pas réaliser mon désir et servir Dieu comme je l’estimais nécessaire et en toute sécurité du fait d’être une femme, je me suis donc déguisée en homme, et d’une manière juste et appropriée, j’ai dissimulé mes charmes ; dans l’émulation et à l’exemple de ma maîtresse Thècle, fuyant ce qui est destructible et éphémère, j’étais résolue à atteindre les bontés du ciel. C’est pour conquérir une telle gloire et satisfaire mes envies de vertus divines que j’ai déguisé la fragilité de mon sexe sous des vêtements masculins. Pour cette cause et parce que j’étais piquée du désir du culte divin, j’ai pris la forme d’un homme, afin qu’au masculin je puisse courageusement garder intacte ma virginité. Quand elle eut dit cela, elle déchira le vêtement dont elle s’était vêtue de la tête jusqu’en bas, et découvrit son visage caché et ses beaux seins virginaux. Mais un instant seulement, puis elle les revoila à la hâte avec son vêtement déchiré. Et, continuant, elle s’adressa à l’Éparque et dit: ‘Tu es mon père selon la chair, et Avitos et Sergius sont mes deux frères’, etc. ».
Quand elle dit qu’elle est « une femme par le sexe », cela signifie qu’elle est une femme tout court puisque faut-il le rappeler, avant Judith Butler et son charabia, personne ne distinguait le sexe et le genre ! Je précise à cet endroit que je me contrefiche que Butler et ses séides prétendent que c’est le « ressenti » qui compte et que si je « me sens » un homme le matin, une femme le soir et un caribou ou une chaise entretemps, je « suis » tout cela simultanément. Je ne perds pas mon temps à discuter avec des chaises ou des caribous, donc là, ce sera pareil.
Le sens profond de cet épisode, tel que la légende nous le rapporte, est qu’Eugénie n’est en rien un homme, ni par son sexe biologique, ni même par son genre lors de son séjour dans le monastère. La seule chose qu’elle est en permanence, c’est une vierge radicale (l’expression est de moi), c’est-à-dire une femme prête à tout pour conserver sa virginité intacte, pour des raisons spirituelles aussi bien que personnelles. Sa légende est avant toutes choses une histoire morale, comme toutes les Vies de saints, visant à promouvoir la virginité et célébrer le martyre pour la foi. Il n’y a donc rien de queer là-dedans, ni aucune promotion de la transidentité.
Alors même si le chapiteau de Vézelay n’est évidemment pas tiré directement de cette version arménienne de la légende, il s’en rapproche forcément davantage, par sa culture chrétienne et monastique partagée, que les extrapolations genristes de C. Maillet.
Il me reste donc à conclure avec quelques réflexions, et autant d’interrogations, sur ce qui peut bien pousser un féminisme universitaire en pleine auto-intoxication à s’enfoncer toujours plus profond dans ces délires – d’autant que les colloques et publications sur le genre se répandent actuellement comme la petite vérole sur le bas-clergé – pour filer la métaphore monastique –, et où c’est toujours la course à l’échalote à celui qui trouvera un angle d’attaque encore plus ahurissant que celui de son.a voisin.e.
Conclusion et morale de cette histoire
Évitant autant que possible les productions de l’idéologie du genre – on aura compris ce que j’en pensais –, j’ai pris connaissance il y a trois jours seulement de cette fantasmagorie sur Vézelay. Après être tombée de ma chaise puis y être remontée tant bien que mal pour écrire cet article, et passée la stupéfaction, il me reste à tenter de comprendre ce que ces gens peuvent bien essayer de nous dire (pour autant qu’ils le sachent eux-mêmes).
Dans le cas présent, il semble que ce soit le rapport entre le trans-activisme contemporain et le christianisme ancien et médiéval qui est posé. Et posé par quelqu’un qui est en réalité bien davantage spécialiste du féminisme queer du XXIe siècle que de la basilique de Vézelay et de la patrologie latine qui va avec (car étudier l’une ne peut aller sans l’autre, eh oui, c’est comme ça). On n’aborde pas un chapiteau de Vézelay de manière isolée en ignorant l’intégralité de l’art médiéval et de la littérature spécialisée. Ou alors, on le fait, comme par exemple Gérard Bonnet, mais en se revendiquant de sa spécialité (ici la psychanalyse) et en proposant des hypothèses qui s’affichent pour ce qu’elles sont (des hypothèses de psychanalyste, dans ce cas, qui ont certainement une valeur psychanalytique, mais qui sont partiellement erronées du point de vue de l’histoire de l’art).
Mais ici, on a quelqu’un qui se dit historienne de l’art…, alors qu’elle fait 10% d’histoire de l’art et 90% de militantisme féministe hardcore, et ça, ce n’est juste pas possible. Je vois bien qu’à part à l’Observatoire du Décolonialisme, l’université est soit en état de sidération, soit soumise, soit complice de ces mystifications. Il est donc urgent que les spécialistes ne se laissent plus terroriser par ce féminisme du genre et son cortège de contre-vérités historiques et scientifiques et qu’ils ne laissent pas leurs domaines péricliter sous cette emprise !
Le christianisme et le dépassement des sexes
On le sait, le christianisme est traversé par des tendances diverses, parfois opposées. Une tendance « anti-chair » qui a pu le pousser à opposer la chair et l’esprit en noircissant la première – une tendance bien connue, à l’œuvre par exemple dans le christianisme primitif, chez saint Paul, les gnostiques, les Pères du désert… – et un discours de fond, la théologie de l’Incarnation qui, comme son nom l’indique, tend à réconcilier la chair et l’esprit. Le Christ est un Dieu in-car-né, il ne faut pas l’oublier : le christianisme est aussi une théologie de la chair, pas seulement de la lumière ou de l’esprit !
Je rappelle cela, car il me semble que les féministes radicales d’aujourd’hui sont continuellement en butte à un (énorme) problème d’incarnation, qu’elles semblent de plus en plus incapables de résoudre. Je pense (c’est un avis personnel, mais il est partagé par quelques-uns de mes amis) que le refus de la biologie des féministes du genre a tout à voir avec le manichéisme, le monophysisme, le dualisme, le bogomilisme ou le catharisme. C’est-à-dire que ces personnes, encombrées par un corps ou une enveloppe physique dont elles ne savent que faire, survalorisent les seules vues de leur esprit, rêvant de se vivre comme de purs esprits dans un monde de lumière idéal et désincarné, où le corps et le sexe n’auraient d’autre réalité que celle des concepts et des mots. Blanche Gardin en donne une illustration d’une grande justesse quand, ayant sombré dans le féminisme radical, son personnage ne se nourrit plus que de lumière, de prânâ et de Mona Chollet – avant de finir à demi-mort, anorexique et à l’asile.
C’est pour cela aussi que le sexe des anges fascine autant les féministes du genre, que les eunuques byzantins les font tomber en pamoison (alors que ce « troisième sexe » ressortit surtout à de pratiques barbares fort heureusement révolues), que les vierges radicales comme les monacho-parthénoï du type Eugénie les font fantasmer à ce point… On comprend aussi pourquoi le rêve secret d’émasculer les hommes est si profondément implanté en elles.
Mon hypothèse est que le néoféminisme du genre se répand comme une trainée de poudre chez ces universitaires parce qu’en d’autres temps, la véritable place de ces femmes aurait été dans un couvent : en non-mixité choisie, entre puritaines, misandres, bitophobes, lesbiennes… une cité des femmes à leur image, en quelque sorte.
Je pense de plus en plus que c’est parce que les couvents de femmes ne font plus recette que ces féministes pullulent à l’université, leur rage incurable contre les hommes en bandoulière. Ces profils de femmes existaient déjà du temps d’Eugénie, puisque l’humanité n’a pas tant changé en 2000 ans, mais au moins elles avaient, en entrant dans les ordres, la possibilité de sublimer cette incarnation sexuelle dont elles ne savaient elles non plus que faire – puisque refusant, tout comme nos féministes radicales actuelles, le mariage et la maternité.
Alors, il va de soi que le christianisme permet ce dépassement de la chair et cette sublimation par l’esprit. Je cite souvent la formule de saint Paul aux Galates : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme » (Galates 3, 28). Oui, cette approche paulinenne (mais radicalement anti-chair) existe ; oui, elle promeut, au cœur du christianisme, l’égalité des sexes et même la négation de la biologie – mais surtout dans la vie éternelle, rappelons-le ! Parce qu’encore une fois, tout le reste de la doctrine chrétienne est fondé sur l’équilibre des deux : l’esprit doit prendre soin de la chair et inversement. Mais le sujet est trop vaste pour être développé ici.
Quoi qu’il en soit, faire des universités les nouvelles congrégations des Petites Sœurs de l’Esprit et de la Perpétuelle Indignation – avec Sandrine Rousseau en mère supérieure – apparaît bien comme l’objectif de plus en plus clair de nos féministes universitaires ; à tel point que j’en arrive à me demander si on ne devrait pas sérieusement militer pour la remise en service de vrais couvents, tant ils semblent manquer cruellement à nos sociétés féministées…
[à suivre…]
Bibliographie (non exhaustive) citée dans l’article :
Albani, Jenny P., « Beyond the Borders of Femininity: St. Eugenia and St. Athanasia in Byzantine and Post-Byzantine Art », Actual Problems of Theory and History of Art, 9, 2019, pp. 306–317.
Ambrose, Kirk, “Two Cases of Female Cross-Undressing in Medieval Art and Litterature”, Notes in the History of Art, 2004, Vol. 23, No. 3, pp. 7-14.
Patlagean, Évelyne, « L’histoire de la femme déguisée en moine et l’évolution de la sainteté féminine à Byzance », Studi medievali, 3e série, 17/2, 1976, p. 597‑623.
- Voir aussi :
. Sur cette chronique de France Culture :
« Pour se faire pardonner d’avoir critiqué les wokes, Gérard Noiriel plagie ceux qui voient des trans au Moyen Âge » (Observatoire du Décolonialisme, 02/04/22)
Didier Desrimais, « Gérard Noiriel s’égare dans l’historiographie wokiste » (Causeur, 04/04/22)
. Sur les liens objectifs entre le féminisme du genre et la religion :
. Sur le militantisme trans auprès des adolescents :
Caroline Eliacheff-Céline Masson : « L’accusation de transphobie est une méthode d’intimidation » (L’Express, 06/02/2022)
: Dans « La fabrique de l’enfant-transgenre », les psychanalystes Caroline Eliacheff et Céline Masson dénoncent les dérives du « transgenrisme » chez les mineurs.